Des scientifiques canadiens lancent une pétition contre le confinement

« Il faut absolument miser sur l’immunité de groupe, qu’il faut atteindre le plus rapidement possible en laissant le virus circuler chez les plus jeunes », explique Jean-Roch Lafrance, anesthésiologiste d’origine québécoise de Cornwall qui a signé la pétition.

« Il faut laisser les moins de 50 ans vaquer à leurs occupations. Pour les plus de 65 ans, ça serait selon leur évaluation du risque, il n’y aurait pas non plus de restrictions obligatoires. »

Signe que le sujet est délicat, une autre Québécoise du secteur de la santé qui a signé la pétition, la professeure d’anatomie Anna Nayouf, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, a préféré ne pas accorder d’entrevue à La Presse.

Gaston De Serres, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), trouve que l’idée de protéger seulement les personnes âgées et de miser sur l’immunité de groupe est une stratégie irréaliste.

Le DDe Serres souligne que la Suède, qui n’a jamais fermé ses bars et ses écoles primaires au printemps, n’a pas encore atteint un seuil qui pourrait minimalement être considéré pour l’immunité de groupe : à peine de 15 % à 20 % des Suédois ont des anticorps contre la COVID-19.

Une seule ville dans le monde a peut-être atteint l’immunité de groupe : Manaus, au Brésil, avec un taux de séropositivité de plus de 60 %, selon une étude publiée à la fin de septembre dans le site de prépublication MedrXiv. La ville a eu un bilan de 3000 morts (en excès de mortalité) pour une population de 1,7 million, ce qui est semblable au bilan québécois, mais avec une population beaucoup plus jeune (plus de la moitié des habitants de Manaus ont moins de 30 ans et seulement 10 % ont plus de 60 ans).

L’épidémiologiste à l’INSPQ souligne que la mortalité de Manaus est très importante, vu sa population plus jeune, et qu’on ne sait pas combien d’entre eux auront des séquelles à long terme.

« Oui, mais même une immunité semblable à celle de la Suède diminue la propagation du virus. Il me semble que c’est ça, l’objectif », rétorque le DLafrance.

« Personnellement, poursuit-il, avant le confinement, je jouais au bridge quatre fois par semaine, je faisais du curling, parce qu’à 76 ans, je ne travaille plus que deux jours par semaine. On m’a empêché de faire ça pour me protéger, mais on ne m’a pas demandé mon avis. Pendant les trois mois où je n’ai pas pu travailler, j’ai passé 400 heures à étudier la COVID-19. Qu’on ne vienne pas me dire que je ne sais pas de quoi je parle. »

Le DLafrance est très actif dans les associations québécoise et canadienne pour l’aide à mourir. Il a vécu aux premières loges la solitude et les souffrances des patients qui devaient y avoir recours durant la pandémie. « Souvent, ils ne pouvaient pas avoir leur injection parce qu’il fallait une infirmière pour la faire. Je n’avais pas ce problème parce que je peux faire des injections, mais j’ai eu une patiente avec quatre enfants qui a dû choisir lequel serait avec elle pour le dernier moment. C’est inhumain. »

Lien