Les dirigeants de l’UE, réunis en sommet à Bruxelles, ont réclamé jeudi à Londres les « gestes nécessaires » pour permettre un accord sur leur relation post-Brexit, affichant leurs lignes rouges face au Premier ministre britannique Boris Johnson qui menace d’arrêter les négociations.
Les Vingt-Sept « constatent avec inquiétude que les progrès réalisés (dans les pourparlers) sur les questions clés qui intéressent l’Union ne sont toujours pas suffisants pour qu’un accord soit conclu », soulignent les conclusions du sommet sur ce dossier, la premier qu’ils ont abordé.
Ils ont invité le négociateur de l’UE, Michel Barnier, « à poursuivre les négociations dans les prochaines semaines ».
Peu après le début de la réunion vers 16H00 (14H00 GMT), la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé l’avoir quittée pour se placer en quarantaine à la suite d’un cas de Covid-19 dans son équipe.
Les chefs d’Etat et de gouvernement – à l’exception du Premier ministre polonais également en quarantaine – y étaient tous arrivés masqués. « Cette réunion aurait dû être organisée sous forme de vidéoconférence », a regretté la Première ministre danoise Mette Frederiksen, en arrivant à Bruxelles, selon l’agence Ritzau. Le sommet s’est poursuivi sans la présidente de la Commission.
Mme von der Leyen s’était entretenue mercredi soir par visioconférence avec Boris Johnson, en présence du président du Conseil européen Charles Michel: « Nous voulons un bon accord mais pas à n’importe quel prix », a-t-elle insisté jeudi.
Les trois dirigeants ont constaté l’absence de progrès dans des discussions enlisées depuis des mois. Boris Johnson a « déclaré qu’il attendait avec impatience les résultats du sommet européen » avant de se prononcer sur les « prochaines étapes pour le Royaume-Uni », ont indiqué les services du dirigeant britannique. Un porte-parole du gouvernement britannique a réitéré cette position jeudi.
Alors que M. Johnson avait fait du 15 octobre la date butoir de Londres pour conclure un accord, le négociateur britannique David Frost l’a convaincu qu’un accord restait possible et lui a conseillé de poursuivre les discussions, selon les sources citées jeudi par la presse britannique.
Mais la conversation avec Boris Johnson a déçu les Européens qui lui ont renvoyé la balle jeudi.
« Là où ça fait mal »
Trois sujets bloquent toujours: la pêche, les garanties réclamées aux Britanniques en matière de concurrence – malgré de récents progrès – et la manière de régler les différends dans le futur accord.
« L’UE est unie, avec une position claire », avait souligné Mme von der Leyen en arrivant au sommet.
« Il faut doucement se demander quel écart est acceptable entre le mandat (de négociations) et le résultat qu’on peut obtenir », a estimé une source diplomatique.
Mais les pêcheurs « ne sauraient être les sacrifiés du Brexit », a prévenu le président français Emmanuel Macron, assurant que Paris « est prêt » à une absence d’accord.
La pêche n’a pas la même importance pour tous les Etats membres mais ils s’efforcent de garder un front uni. « La pêche n’est pas une priorité de mon pays, mais ce serait faux de dire que ça nous est égal. L’UE est un ensemble », a remarqué le Luxembourgeois Xavier Bettel.
Depuis que le Royaume-Uni a officiellement quitté l’UE le 31 janvier, les pourparlers entre Londres et Bruxelles pour un accord de libre-échange –qui entrerait en vigueur début 2021 à la fin de la période de transition — patinent.
Les deux parties s’accusent mutuellement de laisser planer le risque d’un « no deal » potentiellement dévastateur pour leurs économies, déjà fragilisées par la pandémie.
Délicate équation climatique
Le dossier climatique sera aussi au programme jeudi, l’UE devant actualiser d’ici la fin de l’année ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour 2030.
La Commission vise une réduction de 55 % par rapport au niveau de 1990, contre un objectif de 40 % actuellement, afin d’atteindre la « neutralité carbone » en 2050. Le Parlement européen réclame une baisse d’au moins 60 %.
Les Etats membres devraient poser jeudi les termes du débat, sans trancher sur un objectif 2030, renvoyé à un prochain sommet mi-décembre.
Onze pays, dont la France, l’Espagne ou les Pays-Bas, ont cependant exprimé dans une lettre commune leur soutien à une baisse d' »au moins 55 % » d’ici 2030.
Mais plusieurs pays de l’Est freinent: le Premier ministre tchèque Andrej Babis a prévenu jeudi que son pays ne pourrait atteindre sur son territoire un objectif de -55 %, tandis que son homologue bulgare mettait en avant les potentiels ravages économiques dans son secteur minier.