Après une semaine de paralysie, le Royaume-Uni et l’Union européenne reprennent langue jeudi pour tenter de parvenir à un accord commercial post-Brexit, avec d’importantes divergences à combler et très peu de temps pour échapper au « no deal ».
« Nous sommes prêts à accueillir l’équipe européenne à Londres pour ce que nous qualifierions d’intenses négociations », a déclaré le porte-parole du Premier ministre conservateur Boris Johnson, alors que le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, est attendu dans l’après-midi.
« Les deux parties reconnaissent que le temps est vraiment compté », a-t-il souligné.
Les Européens ont prévenu qu’un compromis devait être trouvé avant la fin octobre pour qu’un accord de libre-échange soit en place au 1er janvier, fin de la période de transition pendant laquelle les règles européennes continuent de s’appliquer sur le territoire britannique.
Cela leur donne une dizaine de jours, à moins de jouer les prolongations, pour s’accorder sur des sujets aussi complexes que l’accès aux poissons britanniques pour les pêcheurs européens ou le niveau d’alignement avec les règles de l’UE consenti par Londres pour accéder au marché européen sans quotas ni droits de douanes.
« Clairement, des différences significatives demeurent entre nos positions sur les sujets les plus difficiles, mais nous sommes prêts avec l’UE à voir si c’est possible de les rapprocher lors de discussions intensives », avait indiqué un porte-parole de Boris Johnson mercredi. « Il est tout à fait possible que les négociations échouent », a-t-il averti.
Les discussions doivent se tenir à Londres jusqu’à dimanche, de manière quotidienne et week-end compris, sur tous les sujets en parallèle. Ensuite, elles auront lieu en personne ou par visioconférence.
Malgré l’urgence de la situation, les deux parties ont passé la dernière semaine à un jeu de ping-pong, exigeant chacune que l’autre fasse le premier pas, après un sommet européen marqué par la fermeté des 27.
Boris Johnson avait alors déclaré les pourparlers « terminés » et demandé à son pays de se préparer à un « no deal », une perspective potentiellement dévastatrice pour des économies déjà ébranlées par la pandémie de Covid-19.
« Croisons les doigts pour que cette nouvelle intensification des discussions aboutisse », a déclaré le secrétaire d’État chargé de la Sécurité publique, Kit Malthouse, sur la chaîne Sky News.
« Les négociations impliquent souvent un peu de mauvaise humeur et de tension, et des portes qui claquent », a-t-il ajouté. « C’est dans la nature d’une négociation que les choses se tendent, surtout vers la fin quand vous êtes confrontés à une date butoir ».
Pour débloquer la situation, les négociateurs européen Michel Barnier et britannique David Frost se sont parlé par téléphone tous les jours depuis le début de semaine.
Dans une apparente concession aux Britanniques, Michel Barnier s’est dit mercredi, devant les députés européens, prêt à rechercher « les compromis nécessaires, de chaque côté ». Il a assuré qu’un accord se ferait « dans le respect de la souveraineté britannique ».
« Le Royaume-Uni a insisté ces derniers jours pour que l’UE s’engage sur la +souveraineté+ » du pays et « confirme +un compromis des deux côtés+. Ce que Barnier s’est employé à faire », a expliqué une source européenne.
Mais devant les présidents du Parlement européen jeudi, qui aura son mot à dire sur l’accord, le négociateur en chef a rappelé que « la transparence et l’unité sont clés » pour l’UE, « comme cela est le cas durant toutes les négociations ».
Les discussions butent toujours sur trois sujets: l’accès des Européens aux poissonneuses eaux britanniques, les garanties réclamées à Londres en matière de concurrence, et la manière de régler les différends dans le futur accord.
Lui aussi devant les eurodéputés, le président du Conseil européen, Charles Michel, a reproché mercredi à Londres de vouloir accéder au marché unique européen « tout en étant capable de s’écarter de nos normes et réglementations, quand cela lui convient ».
Sans accord, les échanges entre les deux parties seront dès le 1er janvier régis par les règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), synonymes de droits de douanes élevés. Même en cas de compromis évitant cette brusque rupture, les entreprises doivent se préparer à des démarches chronophages pour exporter et se plier aux normes respectives.