Brexit : Londres tente de s’allier… le reste du monde

C’est l’affaire du siècle, à en croire Boris Johnson. En scellant un accord commercial avec le Japon, vendredi 23 octobre, il jure avoir  obtenu plus que ce que l’Union européenne avait décroché avec l’île ! 

Certes, les producteurs du fameux fromage Stilton se lèchent les babines : leur  bleu  sera bientôt exempté de droits de douane au pays du Soleil levant. Mais pour le reste…  Si ce n’est quelques avancées sur le numérique, cet accord n’est qu’une duplication de celui conclu entre l’UE et le Japon , tempère Elvire Fabry, spécialiste des politiques commerciales et du Brexit à l’Institut Jacques Delors. Et les échanges du pays avec le Japon (16 milliards d’euros) pèsent bien peu comparés à ceux avec l’UE (740 milliards), son premier partenaire.

Redonner au Royaume sa liberté de commercer avec le monde entier, comme au bon vieux temps de l’Empire… C’était une promesse phare des Brexiteurs, en 2016. Londres n’a donc pas attendu la fin des négociations avec Bruxelles pour faire de l’œil au reste de la planète et nouer des traités qui entreront en vigueur dès le 1er janvier.

La tâche est immense. En quittant l’UE, le Royaume-Uni se prive de liens privilégiés avec quatre-vingt autres pays (via quarante accords de libre-échange). Autant de partenariats à renouer d’urgence. Pas simple. Il a fallu mobiliser  cent négociateurs pendant quatre mois  pour conquérir Tokyo, admet Liz Truss, secrétaire au Commerce international. En deux ans, ses équipes ont décroché vingt-quatre traités de libre-échange : Ukraine, Zimbabwe, Suisse, Norvège, Corée du Sud… Mais il manque les  gros poissons  : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.  Ceux-là attendent de voir la tournure que prendront les négociations du Brexit , observe Elvire Fabry.

Même frilosité des États-Unis. Trump a beau encenser son  ami  Johnson, il n’a rien signé. Washington a même fait pression en disant en gros : « C’est nous ou la Chine »,résume Elvire Fabry. Johnson s’est aligné », en évinçant Huawei de son réseau 5G. Londres est aussi sommée de renoncer à la protection des données ou aux normes européennes pour mieux gober poulets chlorés et bœufs aux hormones américains…

Une victoire de Joe Biden pourrait-elle aider ? Pas sûr. Hostile au Brexit, le candidat démocrate est attaché à ses racines irlandaises. Il craint que le jusqu’au-boutisme de Boris Johnson ne réveille les tensions sur  son  île.

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