Brexit : les petits pas de Boris Johnson

Le 28 jcnjbrem au soir, Michel Barnier revient de Londres, avec quelques progrès dans sa besace.

Il apparaît clairement, depuis la reprise des négociations, que Boris Johnson souhaite un accord plutôt que le « no deal ». Le climat sur les onze tables de négociations est ainsi devenu beaucoup plus constructif, des avancées sont constatées, même si, bien sûr, Londres oppose une résistance farouche sur certains sujets.

Sur le sujet crucial de la concurrence équitable (le « level playing field »), Bruxelles constate des « progrès », ainsi que sur le régime des aides d’État. Le texte de l’accord est en cours d’écriture s’agissant du premier sujet et « il y a presque un texte commun » sur le régime des aides d’État. Bruxelles exigeait de Londres un quasi-alignement sur le régime des aides d’État en Europe avec son nombre limité d’exceptions. Le Premier ministre britannique, sans reprendre telle quelle la législation européenne, accepte une équivalence. Des détails restent à régler.

Un tribunal arbitral plutôt que la CJUE

« Des progrès ont également été réalisés sur des éléments essentiels de la gouvernance », note un proche de la négociation. Il s’agit des mécanismes de résolution des conflits. L’Europe souhaitait que la Cour de justice de l’UE soit la seule à pouvoir interpréter le droit européen. On se dirige vers un tribunal arbitral qui serait indépendant, mais qui pourrait demander un avis non conforme à la CJUE. Ça n’engage à rien, mais « les juges se parlent », lâche une source française.

Cet aspect de la négociation intéresse particulièrement les Suisses, qui attendent, pour leur part, de savoir de quel côté la négociation du Brexit tombe. Dans l’accord-cadre entre l’UE et la Suisse, la question des « juges étrangers » est extrêmement sensible. Or, la CJUE garderait, en Suisse, l’interprétation du droit européen. Si les Britanniques obtiennent mieux, les Suisses vont monter au créneau pour renégocier cet aspect…

Le poisson contre le courant électrique

Justement, que se passe-t-il si l’une des parties dans l’accord sur les relations futures avec le Royaume-Uni ne respecte pas ses engagements ? L’accord doit encore être trouvé sur le mécanisme qui permettrait à la partie qui s’estime lésée de mettre en place des contre-mesures, et pas forcément dans le domaine concerné. Prenons un exemple : si Londres décidait d’un dumping sauvage sur l’acier, provoquant des mouvements de relocalisation d’usines au Royaume-Uni, Bruxelles pourrait répliquer par des représailles commerciales, mais pas forcément sur l’acier, où l’UE n’aurait pas forcément autant d’intérêts, mais sur un tout autre secteur, beaucoup plus gênant pour Londres. Cela mérite encore des discussions ainsi que sur les « seuils » à partir desquels le mécanisme serait déclenché et les « exemptions de sécurité ».

En revanche, la discussion est bloquée concernant la pêche, « en particulier sur la répartition des quotas » et « l’accès à la zone britannique de 6 à 12 milles », une condition essentielle pour certains États membres, dont la France. Michel Barnier n’est pas dénué de levier sur le Royaume-Uni. Si Johnson devait s’entêter sur la pêche, il perdrait, d’autant, l’accès au marché du transport européen (les « neuf libertés du ciel européen », par exemple). En outre, l’UE pourrait restreindre l’accès de son marché unique de l’énergie, un enjeu financier pour Londres qui s’élève « entre 700 millions et 2,5 milliards d’euros », relevait Emmanuel Macron, à l’issue du dernier conseil européen. Donc, Johnson devra arbitrer, dans quelques jours, entre l’affichage politique de la « souveraineté retrouvée » du Royaume-Uni sur les mers britanniques et la facture d’électricité plus élevée pour les sujets de Sa Majesté…

Les négociateurs britanniques à Bruxelles jusqu’au 4 novembre

« Certains points difficiles demeurent sur les marchandises, les contrôles aux douanes, la sécurité aérienne et la sécurité sociale, mais les textes pourraient être finalisés prochainement », confie une source bruxelloise.

Les négociations se poursuivent intensément. Les négociateurs prévoient de rester à Bruxelles jusqu’au 4 novembre. À partir de cette date, deux scénarios sont sur la table : si les divergences sont limitées, Michel Barnier passera le ballon à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, qui compensera les écarts directement avec « BoJo ». En revanche, si, à cette date, les questions irrésolues sont trop importantes, les 27 leaders européens, d’Emmanuel Macron à Angela Merkel, du Néerlandais Mark Rutte à l’Italien Giuseppe Conte, devront achever eux-mêmes la négociation et prendre la grave décision de stopper la négociation « de préférence à un mauvais accord ». La date ultime se situe vers le 16 novembre avec un Conseil européen informel qui se tiendra, ce jour-là, à Berlin.

Les Britanniques, depuis le départ, militent pour des accords séparés selon les sujets. Les Européens plaident pour un seul texte qui soit un « partenariat global ». Là également, ce n’est pas tranché et des travaux parallèles sont menés. « Fondamentalement, rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu », dit-on à Bruxelles.

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