Jean Castex était venu défendre sa stratégie de « responsabilité », l’opposition faire part de sa « colère » contre son « impréparation », mais le débat sur le reconfinement au Parlement a été bouleversé par le « contexte glaçant » de l’attaque de Nice.
A 09H43 à l’Assemblée, le Premier ministre quitte la tribune après son intervention sur le reconfinement. Au pied des marches, son collaborateur parlementaire, Julien Autret, lui glisse quelques mots à l’oreille sur la situation à Nice.
Jean Castex remonte quatre à quatre. Il échange avec Richard Ferrand qui prend la parole, gravement. « Nous venons d’apprendre qu’un attentat d’une gravité extrême s’est produit à Nice », déclare le président de l’Assemblée nationale, avant une minute de silence dans l’hémicycle et une interruption de séance.
Le député niçois Eric Ciotti (LR) fait part de son « immense émotion », salle des Quatre-Colonnes, où se succèdent les parlementaires.
S’exprime surtout une sourde inquiétude. « Il faut tout faire pour éviter l’engrenage », prévient Nicolas Dupont-Aignan (DLF). Le chef de file des députés LFI, Jean-Luc Mélenchon, se dit « secoué » par un « contexte glaçant », appelle à « ne pas tomber dans l’abîme », quand Marine Le Pen (RN) réclame une « législation de guerre ».
Pendant ce temps-là, Jean Castex a momentanément quitté le Palais Bourbon pour gagner la cellule de crise du ministère de l’Intérieur, en appelant « à l’unité et à la cohésion ».
« On est dans un enchevêtrement de crises. Elles se cumulent et se confondent et jettent le pays dans un effroi absolu », commente le député de l’Essonne Francis Chouat (apparenté LREM). « Jamais en 50 ans de vie publique, je n’avais connu une telle situation ».
A la tribune, la cheffe de file du groupe socialiste Valérie Rabault estime qu’il aurait fallu « interrompre » et « reporter » ce débat sur le reconfinement.
« revivre une tragédie »
« J’ai pour ma part la conviction profonde que précisément parce que des terroristes attaquent notre démocratie, notre République, c’est l’honneur de l’Assemblée nationale de continuer à faire vivre notre République », martèle Richard Ferrand (LREM) au perchoir.
Mais, en raison du contexte, le patron des députés LR Damien Abad indique que son groupe ne « prendra pas part au vote en conscience et en responsabilité afin de ne pas ajouter des divisions dans notre pays ».
Bon an mal an, la discussion se poursuit. « Il est difficile de poursuivre ce débat » mais, puisqu’il « faut poursuivre, poursuivons en serrant les dents, en serrant les poings, en pensant très fort à Nice », dit le LR Jean-Jacques Gaultier vers midi, alors que Jean Castex est de retour.
Entre-temps, Valérie Rabault (PS) a redit son « oui de colère » au reconfinement, un « oui de responsabilité » pour protéger les Français, mais une « colère » contre « l’impréparation » du gouvernement.
« Un homme décide de tout, tout seul, entouré de ce conseil de défense hors-sol », lance Jean-Luc Mélenchon à propos d’Emmanuel Macron et la gestion du Covid-19. « Nous n’avons pas confiance, nous avons de moins en moins confiance ».
« Nous ne sommes pas prêts à affronter une deuxième vague », pointe Damien Abad (LR).
Aurore Bergé (LREM) défend quant à elle le reconfinement, la « seule décision responsable »: « certains préfèrent soigner des clientèles électorales que soigner les Français », dénonce-t-elle.
Près des Quatre-Colonnes, Hubert Wulfranc (PCF), ex-maire de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) où, en 2016, un prêtre a été égorgé lors d’un attentat jihadiste, confie « revivre une tragédie ».
Jean Castex reprend la parole à 12H40 dans l’hémicycle. Il dénonce une attaque « aussi lâche que barbare » et porte le plan vigipirate au niveau « urgence attentat » partout en France.
Puis il fustige ceux qui ont décidé de ne pas prendre part au vote: « Quand la maison France est dans la difficulté, on doit prendre ses responsabilités, on ne détourne pas le regard ».
L’Assemblée apporte finalement un large soutien au gouvernement et à sa stratégie sanitaire, par 399 voix pour et 27 contre.
En début d’après-midi, la discussion débute aussi au Sénat par une minute de silence. Gérard Larcher, le président de la Haute Assemblée donne le ton: « la France des Lumières s’assombrit ».
Pour Jean Castex, « la vie démocratique que certains souhaitent abattre doit, plus que jamais, suivre son cours ». « Nous faisons le choix de la vie et de la solidarité », insiste-t-il, ne récoltant que les timides applaudissements de quelques sénateurs.
Par 178 voix contre, 130 voix pour, le Sénat a refusé son soutien au gouvernement.