Le verdict du tribunal c’est comme si on nous «crachait au visage» lance Natalia Broniarczyk, militante féministe qui a connu l’avortement et qui aide aujourd’hui les Polonaises à contourner une des lois sur l’IVG parmi les plus strictes en Europe, qui vient encore d’être restreinte.
La semaine dernière, le Tribunal constitutionnel, réformé par le pouvoir ultra-catholique et se conformant à ses souhaits, a proscrit l’IVG en cas de malformation grave du foetus, statuant qu’elle est «incompatible» avec la Constitution.
«On pensait que la loi allait être restreinte, mais on ne s’attendait pas à ce que cela arrive en pleine pandémie (…) et qu’ils nous traitent, nous, nos vies et nos problèmes comme des objets, qu’ils veuillent nous enfermer à la maison, décider pour nous sans nous», explique cette femme de 36 ans qui a connu elle même, il y a sept ans, l’expérience de l’avortement.
«Décider pour nous sans nous»
«Je suis en colère. Lors du verdict, je me suis sentie comme si mon pays me crachait au visage. Je suis tombée en pleurs, impuissante».
Et de parler de son expérience personnelle: «Il y a sept ans, je n’étais sûrement pas prête à fonder une famille, j’étais très malheureuse que ma vie allait changer. Je ne me sentais pas en sécurité du point de vue financier, je n’avais pas le sentiment que c’était le bon moment», se rappelle-t-elle.
«C’était en février, il faisait froid. Pourtant je rentrais de l’hôpital, le manteau à la main, car j’avais des sueurs chaudes et j’ai marché pendant sept kilomètres en réfléchissant à ce que je devais faire».
Natalia a essayé de commander un pilule abortive à l’étranger mais les douanes polonaises ne laissaient pas passer les paquets.
«J’étais dévastée», se rappelle–t-elle. Elle n’avait pas non plus les moyens de partir dans une clinique à l’étranger. Finalement, une organisation polonaise l’a aidée à se procurer la pilule.
«La femme avec qui j’ai alors discuté avait fait l’avortement pharmacologique et m’a raconté comment cela s’est passé chez elle. Elle m’a aidée à me préparer à cela», se rappelle-t-elle.
Avortement Dream team
Elle ne regrette pas de l’avoir fait, même si elle a commencé à en parler seulement quelques années plus tard.
«Avec la perspective, je me suis rendu compte que c’était pour moi une expérience libératrice car j’ai compris que je pouvais décider moi même de ma vie même si je vis dans un pays oppressif, que je peux en décider justement grâce à un réseau de soutien organisé par les femmes».
Aujourd’hui, elle fait la même chose au sein de l’organisation Avortement Dream team et Avortement sans frontières.
Elle aide les Polonaises à trouver les informations sur les endroits où elles peuvent se procurer les produits médicamenteux permettant de procéder à un avortement à leur domicile et qui n’est pas officiellement interdit par la loi.
Elle aide aussi les femmes qui le souhaitent à recourir à une IVG en Allemagne, aux Pays bas ou en Angleterre.
Il y a moins de 2 000 avortements légaux par an en Pologne, selon les données officielles. Les organisations féministes estiment que plus de 200 000 IGV sont réalisées illégalement, ou effectuées à l’étranger, chaque année.