Alors que le Conseil d’Etat vient de rejeter les recours contre les trois décrets élargissant les possibilités de fichage, Franck Pallet, collaborateur dans plusieurs cabinets d’avocats, questionne l’indépendance politique de cette institution.
Crée en 1799 par Napoléon Bonaparte dans le cadre de la Constitution du 22 frimaire an VIII, le Conseil d’Etat, appelé «Conseil du Roi» sous l’ancien Régime, exerce deux missions historiques : conseiller du gouvernement pour la préparation des projets de loi et décrets, il est également le juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes des administrations.
Par sa double fonction, à la fois juridictionnelle et consultative, le Conseil d’Etat assure le respect effectif de la règle de droit par l’administration française. Il est ainsi le garant de la légalité de l’action publique et veille à la protection des droits et des libertés des citoyens.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’à côté des membres ordinaires (auditeurs, maîtres des requêtes et conseillers d’Etat), recrutés à la sortie de l’Ena ou désignés pour certains d’entre eux au tour extérieur, le Conseil d’Etat compte des membres extraordinaires dont 12 conseillers d’Etat nommés par le gouvernement par décret en conseil des ministres pour une durée de quatre ans, qui participent uniquement aux activités consultatives du Conseil.
Ce bref rappel des missions et du mode de recrutement des membres du Conseil d’Etat incite à nous interroger sur l’indépendance de celui ci vis-à-vis du pouvoir politique.
Une telle question mérite à tout le moins d’être posée au regard de plusieurs arrêts qui ont été rendus tout récemment, notamment ceux en date du 4 janvier 2021 sur saisine de plusieurs associations de défense des libertés et des droits fondamentaux et organisations syndicales parmi lesquelles la CGT.
En effet, les requérantes ont sollicité dans le cadre d’un référé liberté prévu à l’article L. 521-2 du code de justice administratif la suspension de l’exécution de trois décrets en date du 2 décembre 2020 modifiant des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel. Elles estiment, en effet, que certaines des dispositions qui y sont contenues portent une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales et qu’elles instaurent ainsi une forme de «délit d’opinion» en considération de l’appartenance à une organisation syndicale, d’idées ou opinions philosophiques, politiques ou encore d’éléments inhérents à la santé des personnes.
Il est prévu notamment que ces données soient collectées sur la seule appréciation des services de police en fonction de la dangerosité de certaines «pratiques» pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, sous couvert de prévention des risques terroristes.
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