Les gouvernements sous l’ex-Président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui ont dépensé 1.000 milliards de dollars en 20 ans, ont négligé depuis 2005 les investissements dans le secteur des hydrocarbures, menant au déclin des gisements, estime un expert à la Radio nationale. Selon lui, il est possible de renverser la tendance.
Dans un entretien accordé mardi 23 février à la Chaîne 3 de la Radio nationale algérienne, le Dr Mourad Preure, expert dans le secteur des hydrocarbures, dresse un tableau noir de la situation des gisements de pétrole et de gaz en Algérie, résultat d’une «gestion anarchique» durant les 15 dernières années du pouvoir de l’ex-Président déchu Abdelaziz Bouteflika. Tout en assurant que «la situation n’est pas irréversible», il appelle les autorités à revoir le modèle de consommation énergétique du pays et à miser sur «le savoir-faire scientifique et technologique» pour redresser la situation et aborder sereinement l’avenir.
Les raisons du déclin des gisements
L’Algérie, dont l’économie repose à 98% sur l’exportation des hydrocarbures tirées essentiellement des deux gisements de Hassi R’mel et de Hassi Messaoud, fait face à une crise économique et financière depuis la chute des prix du pétrole en 2014. Cette situation a également levé le voile sur un important recul des volumes d’exportation masqué auparavant par le prix élevé du baril qui s’était établi autour des 100 dollars. En effet, entre 2005 et 2020, la production algérienne de pétrole est passée de 1,5 millions de barils à 800.000 par jour, soit une chute de près de 50%.
«Nos ressources en hydrocarbures sont en train de s’épuiser non pas parce que le potentiel des richesses du sous-sol algérien arrivent à leur terme, mais surtout parce que les investissements qui devaient être faits il y a 15 ans pour augmenter les réserves n’ont pas été engagés», indique le Dr Preure, soulignant qu’«à ceci s’ajoute la consommation nationale qui a explosé».
Et d’expliquer qu’à titre d’exemple, «la consommation nationale de gaz a augmenté de 53% par rapport à 2009, s’établissant à 46 milliards de mètres cubes par an actuellement et exerçant ainsi une grande pression sur les volumes d’exportation du pays».
Dans le même sens, il affirme que «la consommation d’énergie en Algérie n’est pas proportionnelle à la création de richesses intégrée dans le PIB du pays». «L’Algérie a un taux de consommation d’énergie deux fois supérieur à celui des pays de l’OCDE comme les États-Unis ou la France, mais pour une production de richesse deux fois inférieure».
«Les gisements ont été surexploités»
En plus des investissements qui auraient dû être fait en amont pour augmenter les réserves du pays, l’expert pointe «la surexploitation de nos gisements de Hassi R’mel et de Hassi Messaoud».
Selon lui, «la quantité de gaz qui devait être réinjectée dans les puis pour maintenir la pression nécessaire à la production du gaz dans ces deux gisements a été réduite et redirigée vers l’exportation, ce qui a aggravé leur déclin».
Le Dr Mourad Preure informe qu’«également, la manipulation intempestive de la législation régissant le secteur des hydrocarbures a découragé les sociétés pétrolières internationales de venir investir en Algérie en raison d’un manque de stabilité juridique et de visibilité, alors que les contraintes financières, géopolitiques, géologiques et commerciales font peser des risques énormes sur les investissements».
La situation est-elle réversible?
En dépit de cette situation difficile, le Dr Preure assure que «la situation n’est pas irréversible». «La Société nationale des hydrocarbures (Sonatrach) a mené des études pour mieux comprendre et cerner la problématique de ces gisements et proposer les solutions adéquates», informe-t-il, soulignant que ce «travail est à sa phase III de stimulation des puits».
En conclusion, l’expert appelle le gouvernement et le Président Abdelmadjid Tebboune qui ont hérité de cette situation à miser sur un nouveau «modèle de consommation énergétique» à même de rationaliser l’exploitation des ressources du pays et à booster «la recherche et le développement» au sein des universités pour aider le secteur des hydrocarbures à se relever et à reprendre le chemin de la croissance.
Les exportations en hydrocarbures se sont établies à 20 milliards de dollars en 2020, soit un recul de dix milliards par rapport à 2019.