Quatre jeunes manifestants soutenant l’opposant Ousmane Sonko ont perdu la vie lors d’affrontements avec les forces de l’ordre à Dakar. Les autorités sénégalaises ont promis de «ramener l’ordre», tandis que l’ONU a appelé à «éviter une escalade».
Le 5 mars 2021, les autorités sénégalaises ont promis de «ramener l’ordre» après des scènes de guérilla urbaine ayant fait officiellement quatre morts entre les forces de l’ordre et des jeunes manifestants. Ceux-ci réclament la libération de l’opposant Ousmane Sonko, dont l’arrestation a libéré une exaspération accumulée devant la dureté des conditions de vie.
Les tensions, sensibles depuis deux jours dans un pays habituellement considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, se sont intensifiées sans perspective apparente d’apaisement, la justice ayant maintenu Ousmane Sonko en garde à vue.
Plusieurs quartiers de Dakar et de villes de l’intérieur ont été le théâtre d’affrontements d’une ampleur inconnue depuis plusieurs années, bien que la riposte policière semble se limiter essentiellement aux moyens anti-émeutes.
Dans la soirée, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit «très préoccupé» et a appelé «à éviter une escalade». Son porte-parole Stéphane Dujarric s’est exprimé sur la situation : «Les manifestations doivent rester pacifiques et les forces de sécurité et de police doivent […] permettre à ces manifestants d’exprimer leurs opinion et volonté», a-t-il estimé.
«Le gouvernement regrette la perte de quatre vies humaines», avait quant à lui déclaré en direct à la télévision, le 5 mars au soir, le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome, tandis que le bilan était jusqu’alors d’un jeune tué la veille dans le sud du pays.
Le ministre a accusé Ousmane Sonko d’être responsable de la situation en ayant «lancé des appels à la violence» et à «l’insurrection». Il a condamné des «actes de nature terroriste» et lancé un appel «au calme, à la sérénité et à l’apaisement».
S’appuyant sur la campagne de vaccination en cours, Antoine Félix Abdoulaye Diome a aussi évoqué la «perspective de l’allégement du couvre-feu» qui aggrave depuis janvier la situation souvent déjà précaire de nombreux Sénégalais.
La capitale sénégalaise sous très haute tension
A Dakar, la bataille a laissé après-coup le spectacle saisissant de rues vidées de gens et de véhicules, jusqu’aux proches abords des lieux de pouvoir, et jonchées de projectiles de toutes sortes, entre les magasins tous fermés.
Dans le quartier populaire de la Médina, des groupes de jeunes scandant «Libérez Sonko !» ont harcelé de jets de pierres les très nombreux policiers, dans les nuages de lacrymogènes et les déflagrations de grenades assourdissantes. Les mêmes incidents se sont reproduits un peu plus loin près de la place de la Nation. Des blindés avaient été positionnés près de la présidence et ses accès bouclés.
A Mbao, dans la grande banlieue, des pillards ont été aperçus sortant les bras chargés de marchandises d’un supermarché Auchan, dont au moins 14 magasins ont été attaqués et 10 «pillés», selon la direction du groupe français.