Algérie: Nida el Watan, l’initiative politique qui fait grincer les dents

Des associations ont lancé une «coalition de la société civile» à l’approche des élections législatives. Dénommée «Nida el Watan», cette initiative politique a soulevé de vives critiques puisque son lancement s’est déroulée en présence d’un conseiller du Président de la République.

Samedi 6 mars 2021, les représentants d’une centaine d’associations algériennes se sont réunis à l’ouest d’Alger, dans un camp de vacances de scouts, pour annoncer la naissance de Nida el Watan (l’appel de la patrie). Présentée comme une «coalition de la société civile», cette initiative a été très vite perçue comme la naissance d’une entité politique destinée à jouer un rôle politique lors des élections législatives prévues dans trois mois.

Pour de nombreux observateurs, la présence dans la salle de Nazih Berramdane, conseiller du Président chargé des organisations de la société civile et de la communauté nationale à l’étranger, est un indice qui ne trompe pas. Pour l’opinion publique, Nida el Watan a été créé sur le modèle du Rassemblement national démocratique (RND), parti politique fondé en 1997 et qui est devenu la première force politique du pays en quelques semaines.

La thèse du «RND-bis» est d’autant plus plausible que le Président Abdelmadjid Tebboune ne dispose pas de parti politique. Or, si pour les prochaines échéances électorales, il souhaite garder la main sur l’Assemblée nationale et les assemblées locales, il lui faudra s’appuyer sur une formation. Le Front de libération nationale (FLN) – appareil qui se met au service du tenant du pouvoir – étant totalement discrédité aux yeux de la population, Abdelmadjid Tebboune aura donc besoin d’un nouveau parti qui puisse lui assurer une large base populaire.

Membre fondateur de Nida el Watan, Mustapha Zebdi, président de l’Association algérienne de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement (Apoce) dément toute volonté d’engager cette coalition associative dans la sphère politique. Contacté par Sputnik, il affirme que cette initiative «n’est ni un parti politique ni un comité de soutien».

«Nous n’avons pas l’intention de faire de la politique. Mais Nida el Watan soutiendra toutes les listes électorales qui le méritent à l’occasion de la prochaine élection législative. De plus, les membres de notre coalition qui souhaitent se porter candidats ont le droit de le faire, c’est un droit constitutionnel. Nous devons soutenir toute personne membre de la société civile qui se portera candidate. La société civile doit pouvoir, à travers ses élus, participer à l’élaboration des lois», soutient-il.

Mustapha Zebdi nie également toute implication de la Présidence de la République dans la création de Nida el Watan. «C’est totalement faux», lance le président de l’Apoce. Selon lui, «le conseiller du Président a été invité dans le seul but d’écouter les revendications des associations».

«Certains sont persuadés que le conseiller du Président s’est imposé, mais ce sont des rumeurs. Nous avons choisi d’inviter le conseiller du Président de la République car sans le soutien des pouvoirs publics, Nida el Watan ne pourra rien face au poids de l’administration. Si nous n’obtenons pas l’aide des pouvoirs publics, nous ne pourrons rien faire. Je tiens à préciser que le conseiller n’a eu droit à aucun accueil protocolaire et nous ne l’avons même pas convié au déjeuner. Nazih Benramdane est tout de même resté trois heures à écouter nos interventions», explique Mustapha Zebdi.

Abderrahmane Arar, président du Réseau algérien pour la défense des droits de l’enfant (NADA), se montre sceptique. Initiateur du Forum civique pour le changement, une autre coalition d’associations, il précise à Sputnik que la présence d’un conseiller du Président lors de l’assemblée constitutive de Nida el Watan est «une preuve que le pouvoir s’est impliqué directement dans cette initiative».

«Les pouvoirs publics se doivent de rester à distance de tous les partis politiques et de toute initiative politique. Nous sommes dans une nouvelle épreuve pour l’Algérie, nous ne pouvons pas l’affronter avec d’anciennes pratiques. La présence d’un conseiller dans une rencontre pareille est un message clair adressé à la société civile. Je lance un appel au Président afin qu’il mette un terme à ces pratiques. Nous estimons que c’est une violation de la Constitution car elle stipule que l’État et ses institutions doivent faire preuve de neutralité», regrette Arar.

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