Presque deux mois après son arrivée à la Maison-Blanche, Joe Biden est-il parvenu à apaiser les tensions aux États-Unis? Politologue établi à Las Vegas, Guy Millière est loin d’en être convaincu. Selon lui, la colère est encore palpable dans l’électorat républicain, tandis que les Démocrates auraient entrepris de se venger de l’ère Trump.
«Il est temps de guérir les États-Unis.» C’est l’une des phrases les plus emblématiques du discours victorieux de Joe Biden prononcé à l’issue du scrutin en novembre dernier.
«Je m’engage à être un Président qui rassemble et non pas qui divise», avait aussi lancé le Démocrate depuis l’État du Delaware.
Après le triomphe de Black Lives Matter, la contestation de résultats électoraux par Donald Trump et l’invasion du Capitole par des manifestants, Joe Biden peut-il se targuer d’avoir placé les États-Unis sur la voie de la «guérison»? Rien n’est moins sûr, selon Guy Millière, politologue et auteur de plusieurs essais sur la politique américaine.
La réconciliation se fait toujours attendre:
Notre interlocuteur observe que le climat est encore aussi pesant qu’avant l’arrivée de Biden, bien que les grands médias américains ne tendent pas à le montrer.
«Joe Biden ne va absolument pas réussir à réconcilier le peuple américain. […] Les Démocrates ont incité à la haine et à la violence et ont développé un esprit de vengeance. Les gens qui ont appuyé Trump ont peur. Certains redoutent d’être dénoncés au travail et d’être licenciés, par exemple. D’autres craignent d’être jugés par leurs voisins, à qui ils n’osent plus confier leur point de vue. […] Même l’armée est touchée par cette ‘‘cancel culture’’», constate Guy Millière.
Les électeurs républicains ont beaucoup moins affiché leurs couleurs durant la dernière campagne présidentielle que durant celle qui a opposé Donald Trump à Hilary Clinton, note le politologue. Le signe, selon lui, d’un lourd climat de censure.
«Les électeurs républicains ont moins osé mettre des panneaux pro-Trump devant leurs maisons. Plusieurs ont renoncé à poser des autocollants républicains sur leurs voitures, de peur de les retrouver vandalisées», souligne l’auteur d’«Après Trump?» (éd. Balland, 2020).
Membre du Gatestone Institute, un cercle de réflexion conservateur basé à New York, Guy Millière estime que de nombreux militants pro-Trump n’ont pas digéré les «révélations de fraudes électorales». Habitant Las Vegas depuis plusieurs années, il dit avoir observé des irrégularités lors du vote dans l’État du Nevada, où se trouve la ville des casinos.
«Tous les Américains n’ont pas tourné la page sur le dernier scrutin. L’élection a été confisquée par un ensemble de procédés qui ont été très bien analysés, entre autres par la journaliste de gauche Molly Ball dans “Time Magazine”. […] Dans le Nevada, des gens ont voté deux fois et des morts ont voté aussi. […] Ces irrégularités ébranlent la confiance des Américains dans leur système démocratique.»
Dans ce contexte tendu, quel avenir pour le Parti républicain? Selon Guy Millière, Donald Trump pourrait être tenté de présenter à nouveau sa candidature.
Une loi pourrait sceller l’avenir politique de Trump:
Cependant, toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour que l’ex-Président au tempérament bouillant s’engage dans cette voie. L’adoption du For the People Act rendrait quasi impossible la réélection de Trump, analyse Guy Millière.
I’m thrilled to see that the House of Representatives has passed the #ForThePeopleAct. Now, I urge the Senate to follow suit—nothing is more important to our democracy than safeguarding our right to vote. Join @WhenWeAllVote tonight and take action: https://t.co/Hk8zEvWN8E pic.twitter.com/DCcBU0NXF5
— Michelle Obama (@MichelleObama) March 5, 2021
Cette loi vise officiellement à permettre au plus grand nombre de citoyens de voter, notamment en réduisant les contraintes bureaucratiques et administratives associées au scrutin. Le For the People Act vise à favoriser le vote par anticipation et, dans une autre perspective, à limiter l’influence du pouvoir financier sur les élections. Actuellement composé de cinquante Démocrates et de cinquante Républicains, le Sénat décidera prochainement de l’avenir du texte.
«Tout électeur devrait pouvoir voter et voir son vote être pris en compte», a déclaré Joe Biden en annonçant la signature d’un décret allant dans le sens de la loi controversée, en favorisant notamment le vote des détenus.
Selon Guy Millière, la nouvelle loi pourrait toutefois avoir une tout autre finalité:
«Celle loi transformerait les États-Unis en une sorte de république bananière sans les bananes. Cette loi entérinerait et légaliserait les principales formes de fraude qui ont permis de battre Donald Trump d’une manière honteuse», déplore le politologue.