La volonté du musée d’histoire de Paris d’être plus proche de la compréhension de ses visiteurs, qui n’ont souvent aucune notion des chiffres romains, et donc d’y renoncer, a indigné de nombreux intellectuels italiens. Or, c’est le musée du Louvre qui a été le premier à adopter une telle politique.
La décision du Musée Carnavalet de remplacer les chiffres romains de ses panneaux explicatifs par des chiffres arabes pour ne pas créer un «obstacle à la compréhension» a été condamnée par plusieurs intellectuels italiens.
«Louis 14». C’est ainsi qu’a intitulé son article publié en une du Corriere della Sera l’écrivain Massimo Gramellini, vice-directeur de ce quotidien, le plus diffusé du pays.
«Cette histoire des chiffres romains est une synthèse parfaite de la catastrophe culturelle en cours: d’abord les choses ne sont pas enseignées, puis elles sont éliminées pour ne pas mettre mal à l’aise ceux qui ne les connaissent pas», déplore l’auteur. Or, ces obstacles «servent à apprendre à sauter», rappelle-t-il.
Des propositions absurdes:
Pour sa part, le philologue classique et historien de renom Luciano Canfora, également dans les pages du Corriere della Sera, qualifie de «stupidité» la décision d’abroger les chiffres romains, ce qui est, selon lui, la manifestation «d’un fléau plus général du « politiquement correct »». Ironisant, il propose de supprimer également les lettres minuscules et majuscules.
«En perspective, il faudrait aussi arriver à l’abrogation des chiffres arabes, si métaphysiques, dont l’interprétation ne peut qu’être ambiguë. Pour un 14, la lecture la plus évidente est en fait « un quatre ». Et tout le monde voit que « Luigi un quatre » crée un problème», plaisante le scientifique. Il serait souhaitable, poursuit-il, d’avoir «une loi imposant l’analphabétisme obligatoire et le retour à la communication exclusivement orale».
Le professeur d’histoire romaine Giusto Traina a également émis des critiques à propos de la disparition des chiffres romains à Paris. Cette «malheureuse initiative a suscité des réactions féroces et vibrantes de la part des amateurs italiens de l’époque classique», a-t-il noté sur son compte Facebook, avant de rappeler une histoire similaire qui a pourtant eu lieu… à Rome. Le maire de la capitale Ignazio Marino avait voulu abolir les chiffres romains dans les documents et dans les rues de Rome, suscitant l’indignation des plus grands experts en langues et des savants les plus réputés de l’histoire ancienne. «Au bout d’une brève recherche en ligne, je vois que Via Gregorio VII est toujours là», rassure Giusto Traina dans son post.
L’exemple du Louvre:
En adoptant cette décision controversée, le musée d’histoire de Paris (Carnavalet) a en fait suivi les pas du Louvre, qui avait renoncé il y a quelques années aux chiffres romains pour désigner les siècles, pour s’adapter à la (mauvaise) compréhension des visiteurs, souvent étrangers. Le Louvre avait cependant conservé l’ancienne numérotation des rois. Le Musée Carnavalet, quant à lui, a supprimé tous les chiffres romains dans la plupart de ses espaces.