Un nouveau règlement permet aux bailleurs sociaux d’expulser plus facilement un ménage entier si l’un de ses membres a été condamné pour trafic, agression ou incivilité. «Pas de logement social pour les ennemis de la République», justifie la mairie.
Les HLM de Nice vivent à l’heure d’un nouveau règlement facilitant l’expulsion d’un ménage en cas de condamnation du locataire ou d’une personne vivant sous son toit, notamment pour trafic de drogue. Si le but de l’initiative est de ramener la «tranquillité», des ONG redoutent une «punition collective».
Dans une ville où il faut environ dix ans d’attente pour obtenir un logement social, l’un des délais les plus longs de France selon la Fondation Abbé Pierre, le principal bailleur social, Côte d’Azur Habitat, qui gère plus de 20 000 logements, a multiplié en six mois les procédures d’expulsion. «Nous marquons un principe simple : pas de logement social pour les ennemis de la République […] pour ceux qui attaquent les policiers, agressent les agents, qui commettent de manière répétée du trafic de drogue là où l’on sait qu’une minorité gêne une majorité excédée et silencieuse», défend Anthony Borré, premier adjoint au maire LR de Nice Christian Estrosi et président de Côte d’Azur Habitat.
Selon la gravité de l’atteinte au règlement (trafic, agression, incivilité), le locataire recevra une mise en demeure suivie d’une convocation pour un rappel à l’ordre ou fera directement l’objet d’une plainte. S’il ne part pas de lui-même, la procédure de résiliation du bail sera transmise à l’appréciation d’un juge civil qui tranchera. Pour compléter, la mairie a fait voter avec le parquet de Nice et la préfecture des Alpes-Maritimes une convention qui permet à l’office HLM d’être informé de la condamnation pénale d’un locataire ou d’une personne vivant à son adresse et d’enclencher une procédure. «Cette convention va permettre de systématiser, d’aller plus loin et d’accélérer», a expliqué Anthony Borré, annonçant parallèlement le recrutement de nouveaux gardiens assermentés. Des procédures en résiliation de bail avaient déjà cours mais de façon limitée, une cinquantaine entre 2016 à 2019, contre 52 depuis le nouveau règlement.
Est-ce que la punition collective est la bonne réponse ?
La mesure, qui fait bondir une partie de la gauche niçoise, sans élu au conseil municipal, a été votée dans un relatif consensus le 25 mars. «Treize ans pour oser enfin entreprendre ce que la loi permet», a ironisé Odile Tixier de Gubernatis du Rassemblement national (RN), principale opposition à Christian Estrosi, en lisant le témoignage d’habitants confrontés aux points de deal et aux représailles. «Nous y voyons un objectif louable, la tranquillité des habitants», a lancé Juliette Chesnel-Leroux pour le groupe écologiste, qui s’est toutefois abstenue, tiquant sur le risque pour la confidentialité des données et craignant que les bailleurs privés ne réclament les mêmes droits. La convention prévoit la transmission à l’office HLM des condamnations pénales mais aussi des simples mains courantes des forces de police, s’est-elle émue.
«Imaginez la famille dont un adolescent se comporte mal. Est-ce que la punition collective est la bonne réponse ? C’est injuste et assez aberrant pour les autres occupants», non condamnés mais visés par l’expulsion, voire «irresponsable», selon le directeur régional de la Fondation Abbé Pierre, Florent Houdmon.
«Je ne nie pas le droit à la sécurité. Il y a des familles qui subissent le manque de présence policière et d’actions de prévention, mais quand ce ménage aura quitté son HLM, on va le retrouver ailleurs dans des copropriétés dégradées du parc privé. La réponse est dans la répression et la prévention. Lier ça au droit au logement, c’est compliqué», dit-il.