Les personnels de la chancellerie déplorent des réformes en chaîne et les syndicats de la magistrature sont vent debout contre le projet de loi porté par Eric Dupond-Moretti. Ce dernier fait face à un accueil glacial de la profession.
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti présente le 14 avril en Conseil des ministres son projet de loi pour «restaurer la confiance» dans la justice, contesté par les magistrats et le monde judiciaire tant sur le fond que sur la méthode.
Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, renforcement du secret professionnel : le texte vise à «rétablir la confiance du citoyen dans la justice», affirmait Eric Dupond-Moretti début mars sur France Inter.
Il est «le fruit d’une longue réflexion» et d’une «connaissance charnelle» de la justice, ajoutait l’ex-avocat pénaliste qui est arrivé place Vendôme il y a moins d’un an, à l’été 2020.
Mais la réforme, qui sera examinée courant mai en procédure accélérée par le Parlement, a reçu un accueil glacial dans le monde judiciaire.
«C’est une espèce de rencontre entre quelques marottes du ministre et la poursuite de la logique gestionnaire de la Chancellerie pour juger plus avec moins», déplore Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature.
Reprochant au ministre de leur avoir présenté un texte déjà ficelé et soumis au Conseil d’Etat avant de les avoir consultées, les organisations syndicales (magistrats et agents du ministère) ont boycotté à la quasi-unanimité fin mars des réunions avec la chancellerie.
Mais les critiques portent aussi sur le fond d’un texte qualifié de «fourre-tout». Après des mois de tensions avec le garde du Sceaux, contre lequel ils ont porté plainte devant la Cour de justice de la République (CJR), les trois syndicats de magistrats voient dans certaines mesures phares une «défiance» à leur égard.
Les griefs sont multiples. En premier lieu, l’encadrement des enquêtes préliminaires. Fixée comme une priorité du ministre dès sa nomination, cette mesure prévoit que les enquêtes préliminaires ne pourront excéder deux ans, une durée prolongeable d’un an sur autorisation du procureur.
«Une loi pour un épiphénomène», alors que les enquêtes de plus de trois ans représentent «environ 3%» du total, regrette Ludovic Friat, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats. Si certaines sont «aussi longues, c’est par manque de moyens de police judiciaire et parce que les enquêtes politico-financières notamment demandent du temps», souligne-t-il.