Le projet de loi sur le séparatisme du gouvernement pour endiguer le phénomène du radicalisme musulman a été durci par les sénateurs LR. Le groupe marcheur du Sénat, lui, s’abstient de voter. Le dernier mot reviendra à l’Assemblée nationale.
Le Sénat dominé par l’opposition de droite a adopté le 12 avril en première lecture le projet de loi sur le séparatisme après l’avoir musclé avec des mesures interdisant le port du voile islamique pour les fillettes dans l’espace public et pour les accompagnants scolaires ou en renforçant la neutralité à l’université. Ces prises de position affichées par Les Républicains ont provoqué l’ire de la gauche sénatoriale. Le parti présidentiel LREM s’est pour sa part abstenu de voter au Sénat (groupe RDPI) alors que la loi en question provient du gouvernement.
Renommé projet de loi «confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme», il a été voté par 208 voix pour et 109 contre.
Députés et sénateurs vont maintenant tenter de trouver un accord sur un texte commun en commission mixte paritaire (CMP). En cas d’échec, une nouvelle lecture sera organisée dans chacune des chambres, l’Assemblée nationale ayant au final le dernier mot.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a d’ores et déjà prévenu que le gouvernement ne pourrait pas accepter un texte «qui prévoira la non expression religieuse dans l’espace public».
Voulu comme un «marqueur» du quinquennat Macron, le projet de loi prévoit des mesures sur la neutralité du service public, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence de l’ensemble des cultes et de leur financement, l’instruction à domicile, ou encore la lutte contre les certificats de virginité ou la polygamie.
Selon l’analyse de Public Sénat, l’influence du président du groupe LR du Sénat Bruno Retailleau a été déterminante dans cette nouvelle mouture du texte et le sénateur LR de Vendée, qui ambitionne d’être le candidat de la droite pour 2022, aurait également «voulu faire de ce texte un marqueur politique».
Les sénateurs LR ont notamment voté l’interdiction des signes religieux pour les accompagnateurs de sorties scolaires, l’interdiction du port du voile par les mineures dans l’espace public. Ils ont également voté contre les drapeaux étrangers dans les mariages et ont adopté un amendement facilitant l’interdiction du burkini dans les piscines publiques. Les sénateurs LR ont aussi voté pour interdire les prières dans les universités et le port du voile dans les compétitions sportives organisées par des fédérations. LR s’est aussi exprimé contre les listes communautaristes, pour la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.
Le Sénat a aussi voté un amendement dit «Unef» qui vise à dissoudre les associations tenant des réunions qui excluent des personnes en raison de leur couleur de peau ou origine.
La sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie a déploré que la droite ait décidé de le transformer «en tract électoral», tandis que le chef de file des écologistes Guillaume Gontard a fustigé «une dérive totalement décomplexée». Le communiste Pierre Laurent a dénoncé «toutes les surenchères sécuritaires, racistes, tous les amalgames qu’on a entendus tout au long du débat, et les amendements discriminatoires à l’initiative de la droite.» L’écologiste Guillaume Gontard a déploré : «La boîte de pandore est ouverte, la boîte à surenchère identitaire, qui a fait sauter un certain nombre de digues entre la droite et l’extrême droite.»
Après les travaux de la CMP, en cas de désaccord entre les chambres parlementaires, c’est la chambre basse à dominante LREM qui aura le dernier mot sur le texte qui pourra ainsi être rétabli dans la version voulue par le gouvernement.