Dans une interview accordée à Sky News, Bill Gates s’oppose à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid, justifiant que cela ne va pas aider les pays en développement. Les lobbys pharmaceutiques craignent de leur côté que leur technologie ne tombe dans les mains des Russes et des Chinois, selon le Financial Times.
Alors que les appels à la levée des brevets des vaccins anti-Covid se multiplient, le milliardaire et philanthrope Bill Gates, particulièrement médiatisé au sujet de la pandémie, se prononce contre. Dimanche 25 avril, il a expliqué sur la chaîne britannique Sky News pourquoi il n’estimait pas la proposition nécessaire, même pour aider les pays en développement.
«Dans ce cas, ce n’est pas la propriété intellectuelle qui freine les choses», affirme-t-il.
«Ce n’est pas comme s’il y avait une usine de vaccins désaffectée qui, avec une approbation réglementaire, allait se mettre à fabriquer des vaccins magiquement sûrs […]. Chaque processus de fabrication doit être examiné très attentivement», plaide celui qui a financé la technologie de l’ARN messager.
Il affirme toutefois que certains fabricants ont déjà partagé leur formule avec des pays comme l’Inde, aux fortes capacités de production, afin de rendre le vaccin disponible au monde entier. «Ils n’ont rien empêché, ils ont collaboré», défend-il. Avec l’avancement de la vaccination dans les pays développés, il se montre optimiste quant à l’augmentation des livraisons vers les pays plus pauvres «d’ici trois ou quatre mois».
Pression pour lever les brevets –
Alors que l’Amérique de Trump se montrait ferme sur la défense de la propriété intellectuelle, celle de Biden semble opérer un changement d’opinion face à la pression. Le 14 avril, une tribune signée par 175 anciens prix Nobel et leaders politiques, notamment Gordon Brown (ancien Premier ministre britannique), Mikhaïl Gorbatchev ou encore François Hollande, appelait le Président américain à prendre des mesures urgentes sur la levée des propriétés intellectuelles des vaccins Covid.
En octobre, l’Inde et l’Afrique du Sud avaient déjà fait une demande en ce sens auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), rejoints ensuite par une centaine de pays, en vain. C’est la nouvelle représentante américaine du Commerce, Katherine Tai, qui a fait bouger les lignes en rencontrant lobbyistes et groupes pharmaceutiques pour discuter de leur renoncement aux droits de propriété intellectuelle, une possibilité que son bureau affirme toujours étudier aujourd’hui.
Vol de technologie?
Les fabricants américains de vaccins sont alors montés au créneau, allant jusqu’à s’adresser à la Maison-Blanche pour défendre leurs brevets. D’après le Financial Times, l’un des arguments avancés était que la technologie de l’ARN messager pourrait tomber dans les mains de la Chine et de la Russie. Ces deux pays pourraient alors s’en servir pour fabriquer «d’autres vaccins, voire des traitements contre le cancer et les maladies cardiaques», le tout en se servant librement d’une technologie brevetée par les Américains.
Les entreprises pharmaceutiques, comme Bill Gates, assurent que ce n’est pas la propriété intellectuelle qui pose problème pour la production de vaccins, mais bien les capacités de production elles-mêmes. La tribune adressée à Joe Biden affirme quant à elle que la levée des brevets «permettrait d’accroître la capacité de production mondiale, sans être entravée par les monopoles industriels qui sont à l’origine de graves pénuries d’approvisionnement bloquant l’accès aux vaccins».