«On sort du cadre de la démocratie» : l’UE va-t-elle mettre en place une «censure» sur les réseaux ?

Le règlement permettant aux pays de l’UE de supprimer dans l’heure des contenus «terroristes», qui a reçu le feu vert du parlement européen le 28 avril, est dénoncé par des associations de défense des libertés, qui avancent un risque de «censure».

Les lois de surveillance en ligne se multiplient, sous couvert de lutte antiterroriste. Alors que le gouvernement français a présenté le 28 avril un projet de loi pour accéder aux historiques de navigation des internautes, le parlement de l’Union européenne a donné le même jour son ultime feu vert à un règlement permettant d’imposer aux plateformes le retrait en une heure des messages, photos et vidéos en ligne estampillés «à caractère terroriste».

Le texte a été adopté par les eurodéputés en deuxième lecture, sans aucun amendement apporté au compromis trouvé en décembre 2020 par le Conseil de l’Europe, qui représente les Etats membres et avait proposé la réforme dès 2018.

La réglementation cible la diffusion de textes, images, enregistrements sonores et vidéos incitant à commettre ou contribuer à des «infractions terroristes», ou glorifiant ces activités «y compris en diffusant du matériel représentant une attaque terroriste». Le fournisseur de services sera alors tenu de retirer ou de bloquer l’accès au contenu incriminé dans tous les pays de l’UE, dans un délai d’une heure après la réception de l’injonction.

La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a assuré qu’il s’agissait de «porter un coup aux terroristes» : «Sans des manuels en ligne pour vous expliquer comment faire, il est plus difficile de fabriquer des bombes. Sans vidéos de propagande il est plus difficile d’empoisonner l’esprit des jeunes. Sans la diffusion d’attaques en ligne, il est plus difficile d’en inspirer d’autres», a-t-elle justifié.

«Les réseaux sociaux ont un effet de relais et d’amplificateur considérable pour les appels à la violence et la propagande terroriste», a de son côté expliqué l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux), qui a pris pour exemple «l’attaque de la jeune policière à Rambouillet [et] le meurtre du professeur Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine».

Des conséquences déterminantes sur nos libertés collectives

Mais cette nouvelle législation suscite les inquiétudes des défenseurs des libertés publiques. Une soixantaine d’organisations, dont Amnesty international, Human rights watch, la Quadrature du net, Liberties et Reporters sans frontières, avaient appelé le 25 mars au rejet de ce texte. Le court délai de retrait «incite fortement les plateformes à déployer des outils automatisés de modération de contenu, tels que les filtres de téléchargement», qui ne peuvent pas distinguer «les contre-discours, la satire» et menacent le travail journalistique, ont-elles mis en garde. Le règlement exclut néanmoins de son champ d’application «le matériel diffusé à des fins éducatives, journalistiques, artistiques ou de recherche, ou à des fins de sensibilisation contre les activités terroristes».

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