La France, l’Allemagne et l’Espagne ont annoncé lundi s’être entendues sur les prochaines étapes de développement du futur avion de combat européen, après avoir réglé les derniers points de désaccord portant notamment sur le partage des droits de propriété intellectuelle.
L’accord entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, annoncé par leurs ministères de la Défense, et les constructeurs participant au programme de système de combat aérien du futur (SCAF) – Dassault Aviation, Airbus et Indra -, ouvre la voie à la construction du démonstrateur de l’avion destiné à remplacer les Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnols à compter de 2040.
«France, Allemagne et Espagne construisent l’un des outils les plus importants pour leur souveraineté et celle de l’Europe au XXIe siècle», s’est félicitée la ministre française des Armées, Florence Parly, sur Twitter.
Le coût des prochaines étapes de développement du programme est évalué à 3,5 milliards d’euros (4,25 milliards de dollars) jusqu’en 2027, divisé en trois parts égales entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, sur un montant total estimé à 100 milliards d’euros.
Le déblocage de ces fonds doit cependant être formellement approuvé par les trois Etats, et crucialement par le Bundestag allemand dont la dernière session aura lieu en juin avant les élections législatives de septembre.
Pour espérer tenir les délais, le ministère allemand de la Défense doit soumettre d’ici à mercredi son projet de budget au ministère des Finances, ont dit des sources à Reuters, ce qui rendait d’autant plus urgente la conclusion d’un accord que Paris et Berlin espéraient initialement voir scellé fin avril.
Au ministère des Armées, on se veut désormais optimiste sur la possibilité d’aller de l’avant. «Il y a un constat partagé par nos trois pays, c’est le besoin indispensable de maintenir notre supériorité aérienne. Nous sommes confiants dans le fait d’obtenir les financements à court terme», dit-on au cabinet de Florence Parly.
L’accord annoncé lundi va permettre «de marquer d’une pierre blanche cette première phase critique» du programme SCAF, ajoute-t-on.
Négociations acharnées
Les négociations entre constructeurs d’abord, puis entre les trois Etats, ont porté sur les phases de conception, jusqu’en 2024, puis de réalisation, d’ici 2027, du démonstrateur du futur avion de combat de nouvelle génération (NGF) et des «remote carriers» (drones) destinés à l’accompagner.
Concernant le NGF, le ministère de Armées précise qu’il s’agira d’un démonstrateur unique – et non de deux comme cela avait été évoqué au plus fort de la lutte d’influence entre Dassault et Airbus il y a quelques semaines –, en l’occurrence un biréacteur qui sera équipé du moteur M88 du Rafale pour laisser le temps à la coentreprise formée par Safran et l’allemand MTU de concevoir son propre moteur.
Seul le prix définitif des démonstrateurs, susceptible d’évoluer à la marge en fonction du design retenu, doit encore faire l’objet de discussions entre Etats et constructeurs dans les années qui viennent.
Les négociations menées depuis que l’Espagne a rejoint le programme SCAF lancé par la France et l’Allemagne en 2017 ont été d’autant plus acharnées que les équilibres trouvés en matière de partage des tâches de travail et les arbitrages sur les droits de propriété intellectuelle constituent «le creuset de l’ensemble des travaux qui vont être menés plus tard», souligne-t-on au cabinet de la ministre des Armées.
«Les règles que la France avait fixées ont été respectées», relève-t-on, notamment celle du «best athlete» qui veut que la direction d’un projet soit confiée à l’industriel le plus performant dans son domaine. En l’occurrence Dassault pour l’avion de combat, Safran-MTU pour le moteur, Airbus Defence & Space Allemagne pour les drones et le «combat cloud» ou encore Airbus Espagne pour la furtivité.
Sur la propriété intellectuelle, qui a fait l’objet des ultimes négociations après l’annonce des grandes lignes d’un accord début mai, le principe d’un avion sans boîte noire a été retenu pour protéger le savoir-faire de Dassault, et les droits de chaque constructeur seront respectés, dit-on au ministère des Armées, où l’on assure avoir trouvé «un accord qui satisfait tout le monde».