Les sénateurs français ont adopté dans la nuit du 18 au 19 mai, en première lecture, le projet de loi organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire qui prévoit la mise en place d’un pass sanitaire, après y avoir apporté des modifications.
Ajustement du calendrier pour davantage de clarté, encadrement renforcé du pass sanitaire controversé : le Sénat, dominé par l’opposition de droite, a adopté dans la nuit du 18 au 19 mai le projet de loi de sortie progressive de l’état d’urgence, après l’avoir substantiellement modifié. Députés et sénateurs tenteront le 20 mai de se mettre d’accord sur un texte commun. En cas d’échec, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Au Sénat, le texte a été voté en première lecture par 221 voix pour et 102 contre. La très grande majorité des sénateurs LR et centristes a voté pour. Les groupes PS et CRCE à majorité communiste ont voté contre. Les écologistes se sont abstenus, le RDSE à majorité radicale se partageant.
Sans surprise, le controversé pass sanitaire a animé les débats. Ce système doit soumettre l’accès aux grands rassemblements ou à certains lieux à la présentation d’un résultat négatif de dépistage du virus, d’un justificatif de vaccination, ou encore d’une attestation de rétablissement après une contamination. Les sénateurs ont précisé qu’il ne pourrait être mis en œuvre que dans les lieux qui ne permettent pas d’assurer le respect des gestes barrières. Il pourrait être présenté sous forme papier ou numérique et les informations médicales auxquelles auraient accès les personnes autorisées à le contrôler seraient restreintes.
Pas de jauge minimale légale pour exiger un pass sanitaire
Dans l’hémicycle, une nouvelle série de garanties a été adoptée par voie d’amendements PS, dont l’habilitation par le préfet des personnes autorisées à procéder aux contrôles. Le Sénat s’est en revanche opposé à l’inscription dans la loi d’une jauge minimale pour exiger un pass sanitaire, réclamée à gauche. Le ministre de la Santé Olivier Véran a rappelé que le gouvernement s’était «prononcé clairement» pour que le pass sanitaire ne vise que des événements au-dessus de 1 000 personnes.
L’article tel que voté par la chambre haute prévoit de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 juin, pour prendre en compte le maintien d’un couvre-feu prévu jusqu’à cette date. Un régime «intermédiaire» serait institué du 1er juillet au 15 septembre, permettant au gouvernement de prendre des mesures de restrictions face à la pandémie, à l’exclusion de mesures «fortement attentatoires aux libertés» comme la fermeture d’établissements.
Le gouvernement a tenté sans succès de rétablir le texte dans la rédaction de l’Assemblée nationale, avec une période de transition du 2 juin à fin septembre. «[Ce projet de loi] ne marque pas une rupture nette entre les contraintes qu’impose l’épidémie et le retour à la vie d’avant», a déclaré Olivier Véran. «[Il] dessine des perspectives sur le long terme et installe les conditions d’un déconfinement sûr et efficace», a-t-il ajouté à quelques heures de la réouverture des terrasses, commerces et lieux de culture.
Le groupe CRCE s’est catégoriquement opposé au pass sanitaire, de même qu’une trentaine de sénateurs de différents bords. «Le danger du basculement dans la société de surveillance généralisée est réel», a fait valoir le centriste Loïc Hervé, tandis que Laurent Duplomb (LR) affirmait : «On va trier entre les citoyens de première zone et de seconde zone.»
Claude Malhuret (Indépendants) a au contraire appelé à accélérer sa mise en place, affirmant : «C’est le moyen de retrouver le plus rapidement possible toutes les libertés réduites depuis des mois.» Il a encore reçu le soutien du chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau. Pour Marie-Pierre de La Gontrie (PS), «le compte n’y est pas», malgré les «améliorations» apportées par le Sénat.
Dans le champ social, le Sénat a adopté un amendement du gouvernement prolongeant jusqu’en septembre le maintien du dispositif de l’aide sociale à l’enfance des jeunes âgés de 18 à 21 ans, pris en charge par les départements. Au vue de la situation épidémique en Guyane, le Sénat a par ailleurs donné son feu vert à un autre amendement du gouvernement permettant le report au plus tard en octobre, par un décret publié au plus tard le 12 juin, de l’élection prévue dans cette collectivité fin juin.