Dans le contexte d’une justice accusée de laxisme par les forces de l’ordre, le ministre de l’Intérieur affiche de nouveau son intention d’apaiser les relations entre policiers et magistrats.
Présent à la table ronde du «Beauvau de la sécurité» consacrée aux relations avec l’autorité judiciaire, Gérald Darmanin a donné ce 27 mai sa vision du fonctionnement des institutions policière et judiciaire en France.
«Pour moi la police et la justice, et encore plus les relations entre les deux ministres, ce n’est pas un duel, c’est un duo, un binôme», a déclaré Gérald Darmanin face aux représentants des forces de l’ordre, rapporte BFM TV.
En s’appuyant sur les résultats d’un sondage effectué auprès de policiers et de gendarmes, le ministre a fait savoir qu’en France «l’organisation judiciaire et la gendarmerie fonctionnent bien».
«Un binôme c’est deux personnes qui, ensemble, vont dans la même direction, avec leurs différences, leurs discussions, leur complémentarité, mais ça ne peut pas être un duel. Car si c’est un duel alors l’un des deux perd, ou les deux. Et par nature, c’est toute l’institution, l’État, la nation qui perdent», a-t-il expliqué.
Les tensions entre les deux camps –
Le désamour entre les policiers et les magistrats a atteint son apogée le 19 mai, quand au cours de la manifestation de la police devant l’Assemblée nationale Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance Police nationale, a lancé la phrase: «Le problème de la police, c’est la justice».
L’institution judiciaire est jugée par les forces de l’ordre trop faible dans ses sanctions contre les délinquants, voire laxiste.
Cet avis est d’ailleurs partagé majoritairement par les Français, car selon un récent sondage de l’institut CSA pour CNews 81% des personnes interrogées estiment que la justice est «trop laxiste».
«Faiblesse des moyens de la justice»
Après ces critiques, Darmanin, d’ailleurs présent à cette manifestation, est revenu dans un entretien au Parisien du 21 mai sur ce désamour:
«Le problème de la police, c’est la faiblesse des moyens de la justice», a-t-il dit, tout en déplorant «l’un des plus petits budgets pour la justice d’Europe».
Il a réfuté l’argument d’une justice laxiste. «Tous les matins, les procureurs de la République, les magistrats du siège, ne se lèvent pas en disant: « Chouette, on va renvoyer dehors des délinquants »», a-t-il lancé au quotidien.
«Confiance dans l’institution judiciaire»
Le ministre de la Justice, lui aussi, insiste sur le fait que police et justice «travaillent ensemble quotidiennement».
Lutte contre les trafics de drogue, mise en place de la procédure pénale numérique, politique de lutte contre les phénomènes de bandes, préparation du Beauvau de la sécurité jeudi prochain.
Police et Justice travaillent ensemble quotidiennement à Paris, et sur le terrain. pic.twitter.com/eAcsN94xbE— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) May 21, 2021
Le 25 mai, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi pour la «confiance dans l’institution judiciaire» d’Éric Dupond-Moretti. Projet qui devrait être examiné au Sénat en septembre.
Le texte implique des procès filmés, des droits renforcés dès l’enquête préliminaire, le secret des avocats élargi et la fin des réductions de peine automatiques.
Ancien avocat, M. Dupond-Moretti a aussi ajouté diverses mesures promises après le drame d’Avignon. Ainsi ont été votées une peine de sûreté de 30 ans pour les condamnés à perpétuité pour un crime contre un policier ou un gendarme, la fin des rappels à la loi jugés inefficaces et une limitation des réductions de peine pour les agresseurs des forces de l’ordre.