Avec un marché pétrolier à nouveau en hausse, les pays membres de l’Opep et la Russie envisagent de rouvrir les vannes de la production. Ils en discutent aujourd’hui à Londres. En revanche, les grandes majors sont en train de programmer la fin de l’or noir. Y aurait-il deux poids deux mesures dans la conversion au renouvelable de l’industrie pétrolière ?
Le contraste est saisissant entre d’un côté les compagnies privées occidentales, les « big oil », qui ont mordu la poussière la semaine dernière, acculées à mieux tenir leurs engagements en faveur du climat et de l’autre les grandes compagnies publiques des pays émergents, dont 13 appartiennent au cartel pétrolier, qui prévoient au contraire d’accélérer l’exploitation des hydrocarbures. Les premières sont de plus en plus contraintes. Sous la surveillance pointilleuse de leurs actionnaires : un fonds pro-climat a réussi à s’imposer au conseil d’administration d’Exxon, la société américaine la plus récalcitrante à la sortie du pétrole. Au Pays-Bas, Shell a été condamné à revoir à la hausse ses objectifs de neutralité carbone. Des décisions dans la ligne défendue par l’Agence internationale à l’énergie (AIE). Le club des pays consommateurs a choqué l’industrie en appelant à l’arrêt immédiat de tous les projets d’exploration.
N’étant pour la plupart pas cotées en bourse, ou bien avec un État actionnaire largement majoritaire, elles sont à l’abri des pressions des activistes. Elles ne subissent pas non plus la pression des gouvernements puisqu’elles sont souvent le principal pourvoyeur de recettes fiscales. Elles ne sont pas soumises aux objectifs de neutralité carbone imposé par les Européens ou aux recommandations de l’AIE puisqu’elles dépendent de la juridiction de leur pays. Enfin, l’urgence climatique est moins forte dans leur pays d’origine, les pays pétroliers ne représentent qu’un cinquième des émissions de carbone, au sein de l’Opep, deux seulement, l’Arabie saoudite et l’Iran, sont considérés comme des grands pollueurs.
Au plus fort de la crise du Covid-19, le prix du baril est descendu jusqu’à 38 dollars, un cours bien trop bas pour préserver leur équilibre financier. L’Irak a dû emprunter massivement pour couvrir ses dépenses courantes, notamment les salaires de l’administration. Les autres pays fortement dépendant des hydrocarbures comme la Libye ou le Nigeria ont un besoin urgentissime de rouvrir les vannes du pétrole. Et puis l’ensemble des pays producteurs veulent aussi profiter de l’effet d’aubaine. Aujourd’hui à 70 dollars le baril, le pétrole est à nouveau très profitable. Même si les Occidentaux sont en train de se convertir à la voiture électrique, à l’éolien, il y a encore de belles années pour les énergies conventionnelles, car une grande partie du monde a encore soif de pétrole et de gaz pour satisfaire ses besoins. Pour exploiter au maximum le filon de l’or noir, ceux qui le peuvent vont redoubler leurs investissements jusqu’en 2030.
Le plus puissant d’entre eux, l’Arabie saoudite, a effectivement planifié la transition de son économie avec la vision 2030 du prince Mohammed Ben Salman. Même si le chemin est long et compliqué, il a en partie les ressources pour financer cette métamorphose. D’autres pays disposent déjà d’une économie plus diversifiée, c’est le cas de l’Iran, ou de la Russie, ils survivront donc mieux que les autres à la disparition de leur activité. Mais pour ceux qui n’ont pas les moyens de préparer l’avenir, la transition énergétique sera une descente aux enfers. Selon l’Agence internationale à l’énergie les revenus par habitant pourraient chuter de 75% d’ici 2030 dans les pays de l’Opep. L’Irak, la Libye, le Nigeria, le Venezuela, l’Algérie, le Congo ou le Koweit, sont identifiés comme les pays les plus menacés par la fin programmée du pétrole.