Après la suspension de la distribution des masques DIM fournis aux enseignants et considérés comme potentiellement toxiques, le gouvernement rappelle les masques chinois FFP2 destinés aux médecins. Cette fois, c’est le nanomatériau graphène, réputé pour ses propriétés virocides, qui est en cause.
Des masques achetés en catastrophe, en pleine pandémie et en pleine pénurie de masques, sont de nouveau pointés du doigt à cause de leur potentielle dangerosité pour leurs utilisateurs. Cette fois, il s’agit des produits contenant du graphène, fabriqués en Chine et distribués aux soignants.
Fin mai, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux hôpitaux de ne plus utiliser les masques FFP2 conçus par le groupe chinois Shandong Shengquan New Materials.
«Votre structure est susceptible d’avoir été destinataire de masques labellisés “BiomassGraphène”. Dans l’attente de l’évaluation de l’éventuel risque lié à la présence de graphène dans ces masques, et par précaution, il vous est demandé de ne plus les utiliser», indique l’ANSM dans sa lettre d’information datée du 25 mai et destinée aux hôpitaux.
Selon le document de l’Agence régionale de santé (ARS), consulté par Mediapart, ces masques ont été distribués aux établissements de santé, aux établissements médico-sociaux et potentiellement aux professionnels de santé du secteur ambulatoire. 60,5 millions de masques FFP2 commandés par la France pourraient «potentiellement contenir du graphène», d’après la note, et parmi eux 16,9 millions ont été distribués en 2020, ce qui représente 28% des stocks reçus.
La commande a été faite en avril 2020 «au moment des acquisitions massives», dans un «contexte de pénurie de masques», a expliqué à Mediapart Santé publique France.
Le graphène
Ce nouveau nanomatériau léger aurait des propriétés antivirales et antibactériennes. Au début de la pandémie, plusieurs entreprises se sont lancées dans la fabrication de masques contenant du graphène.
Les masques commandés par la France sont produits par Shandong Shengquan New Materials. Le groupe chinois revendique la production de 2 à 2,5 millions de masques par jour. De plus, début mars, sur sa page Facebook, le groupe a publié une photo de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen portant ce masque lors d’une réunion de travail.
Les alertes
Le Canada a été le premier pays à identifier le graphène comme substance pouvant «causer une toxicité pulmonaire précoce» chez les animaux. Par précaution, le 25 mars, les autorités du pays ont rappelé des millions de masques.
Le 2 avril, le Canada a invité ses citoyens à ne plus porter de masques contenant du graphène à cause du risque d’inhalation des particules. Le ministère précise pourtant que les risques d’inhalation de ces particules par les masques ne sont pas encore connus.
Auparavant, 30 millions de ces masques avaient été distribués, notamment dans les écoles au Québec, et plusieurs enfants ont fait part de difficultés à respirer.
En Europe, quatre organisations environnementales ont alerté la Commission européenne de la toxicité potentielle des masques en graphène. Le 6 avril, ETC Group, Center for International Environmental Law (CIEL), Health Care Without Harm et Women Engage for a Common Future ont écrit une lettre commune, appelant Bruxelles à interdire les masques en question.
Selon le physicochimiste américain Andrew Maynard, directeur du Risk Innovation Lab de l’université d’Arizona, cité par le Monde, «les bords irréguliers de certaines particules de graphène peuvent nuire aux cellules».
Masques à risques
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement est contraint de rappeler des masques sur fond de doutes sur les risques liés à leur utilisation.
En octobre 2020, le site d’information Reporterre révélait que les masques en tissu de la marque Dim fournis aux fonctionnaires, notamment aux enseignants et gendarmes, étaient traités avec un produit chimique biocide considéré comme toxique: la zéolithe d’argent et de cuivre. Par précaution, et étant donné l’absence de données fiables sur les risques liés à l’usage de ces masques, le gouvernement a décidé de les remplacer par d’autres.
Le fabricant de sous-vêtements, qui avait lancé la production de masques pour répondre à la pénurie dont souffrait le marché français, a suspendu la commercialisation de son produit, après avoir indiqué en avoir quand même vendu plusieurs millions.
La même situation a été observée en Belgique. Fin février, le ministère belge de la Santé a recommandé de ne pas porter les masques jusqu’ici distribués gratuitement dans les pharmacies du pays. Selon un rapport préliminaire de l’institut de santé publique Sciensano, ils contiendraient des nanoparticules d’argent et de dioxyde de titane et en cas d’inhalation, ces particules pourraient avoir des effets néfastes sur les voies respiratoires. La Belgique avait commandé 15 millions de ces masques pour environ 32 millions d’euros auprès de la société luxembourgeoise Avrox.