Une étude portant sur des échantillons de coronavirus suggère que la pandémie s’était répandu hors de la Chine dès octobre 2019. Ces échantillons ont à nouveau été testés à la demande de l’OMS pour mieux comprendre les origines du Covid-19.
La pression internationale s’accentue pour comprendre les origines du coronavirus. Longtemps rejetée par la plupart des experts, la théorie d’un accident de laboratoire à Wuhan, en Chine, est revenue dans le débat ces dernières semaines, particulièrement aux Etats-Unis, où le président Joe Biden a ordonné le 26 mai à ses services de renseignement de lui fournir un rapport sur l’origine de l’épidémie. Cette théorie reste toutefois combattue par Pékin qui la juge «complotiste». Les appels pour mener des investigations plus approfondies se multiplient néanmoins au sein de la communauté scientifique.
L’OMS, pressée par les Etats-Unis et l’Union européenne de lancer une nouvelle enquête sur les origines de la pandémie, s’est plaint le 28 mai des nombreuses interférences politiques et a demandé qu’on laisse les scientifiques travailler. Son directeur du programme des urgences sanitaires, Michael Ryan, a déclaré que la recherche était «empoisonnée par la politique».
Questionnements autour de l’origine du virus
Le Covid-19 a été identifié pour la première fois dans la ville de Wuhan en Chine en décembre 2019. Le premier patient italien a été détecté le 21 février 2020 dans une petite ville près de Milan. Cependant, une étude a suggéré que des anticorps dirigés contre le virus ou un variant avaient été détectés en Italie en 2019. Ce qui a incité les médias d’Etat chinois à suggérer que le virus n’était peut-être pas originaire de Chine.
«L’OMS nous a demandé si nous pouvions partager le matériel biologique et si nous pouvions refaire les tests dans un laboratoire indépendant. Nous avons accepté», a déclaré Giovanni Apolone, directeur scientifique de l’Institut du cancer de Milan (INT). «L’OMS est en contact avec les chercheurs qui avaient publié l’article original. Une collaboration avec des laboratoires partenaires a été mise en place pour des tests supplémentaires», a déclaré un porte-parole de l’agence onusienne. Le porte-parole a également annoncé que l’OMS savait que les chercheurs prévoyaient de publier un rapport «dans un avenir proche».
Il a expliqué que l’agence des Nations unies avait contacté tous les chercheurs ayant publié ou fourni des informations sur des échantillons collectés en 2019 qui auraient été testés positifs pour le SRAS-CoV-2, mais n’avait pas encore de résultat. Les études des chercheurs italiens, publiés par le magazine scientifique de l’INT, le Tumori Journal, ont montré des anticorps neutralisants contre le SRAS-CoV-2 dans le sang prélevé sur des volontaires sains en Italie en octobre 2019 lors d’un essai de dépistage du cancer du poumon. La plupart des volontaires venaient de Lombardie, région du nord autour de Milan, qui a été la première et la plus durement touchée par le virus en Italie.
«Aucune des études publiées jusqu’à présent n’a jamais remis en question l’origine géographique», selon des propos de Giovanni Apolone repris par Reuters. «Le doute croissant est que le virus, probablement moins puissant par rapport aux mois suivants, circulait en Chine bien avant les cas signalés», a-t-il poursuivi.
Les nouveaux tests seront effectués aux Pays-Bas
L’OMS a choisi le laboratoire de l’Université Erasmus de Rotterdam pour effectuer ces nouveaux tests, selon Emanuele Montomoli, co-auteur de l’étude originale et professeur de santé publique au département de médecine moléculaire de l’Université de Sienne.
Des chercheurs italiens ont ainsi envoyé à l’équipe de Rotterdam 30 échantillons biologiques prélevés entre octobre à décembre 2019 et qu’ils avaient trouvés positifs, 30 échantillons de la même période qu’ils avaient testés négatifs et 30 échantillons négatifs datant de 2018.
«Nous les avons envoyés à l’aveugle, cela signifie que nos collègues ne savaient pas quels échantillons étaient positifs et quels échantillons négatifs», a déclaré Giovanni Apolone. Emanuele Montomoli a précisé que le laboratoire de Rotterdam avait «revérifié [les] échantillons avec des tests commerciaux, qui sont beaucoup moins sensibles que ceux que nous avons conçus et validés».
Malgré les différences entre les deux méthodes de détection, les deux scientifiques italiens se sont déclarés satisfaits des résultats qui leur ont été livrés fin février 2021, ajoutant qu’ils ne pouvaient pas donner davantage d’informations tant que l’équipe de scientifiques italiens et néerlandais n’aurait pas publié ses propres conclusions. «Nous n’avons pas dit dans notre étude que nous pouvions établir sans aucun doute que le coronavirus, séquencé plus tard à Wuhan, circulait déjà en Italie en octobre», a déclaré Montomoli. «On n’a trouvé que la réponse au virus, à savoir les anticorps. On peut donc dire que ce coronavirus ou un très similaire, peut-être une variante moins transmissible, circulait ici en octobre», a-t-il poursuivi.