Les Républicains jouent-ils leur survie à un an de la présidentielle ?

Le parti de droite, s’il dispose d’un solide ancrage local, est en train de transformer les élections régionales en vitrine des désaccords qui minent le mouvement depuis plusieurs années, en particulier sur la stratégie à adopter entre LREM et le RN.

Les élections régionales et départementales qui se profilent les 20 et 27 juin seront à double tranchant pour Les Républicains (LR) : ces scrutins serviront-ils de rampe de lancement au parti de droite en vue de la présidentielle 2022, ou illustreront-ils la manière dont le mouvement s’est pris les pieds dans le tapis à force de ne pas trancher sur son identité ?

Pour l’instant, LR a su animer la campagne électorale, mais sans doute pas comme son président Christian Jacob l’aurait souhaité. Par deux psychodrames internes, d’abord en région Provence-Alpes-Côtes-d’Azur où son candidat Renaud Muselier s’est allié début mai à la majorité présidentielle LREM ; ensuite dans le Grand-Est, où l’ancienne ministre Nadine Morano, non retenue sur la liste du candidat Jean Rottner, a expliqué le 14 mai qu’elle ne voterait pas pour lui, l’accusant comme Renaud Muselier d’être des «artisans de Macron pour dépecer LR».

Ces régionales ne servent donc pour l’instant au parti de droite qu’à afficher aux yeux de tous des fractures béantes qui questionnent jusqu’à la survie du mouvement, alors que le scrutin était censé lui être favorable, du fait de sa vaste implantation territoriale. Les Républicains, parti conservateur issu du changement de nom et de statuts de l’UMP en 2015, en avait gardé l’esprit : rassembler la droite conservatrice et le centre-droit libéral. L’émergence d’Emmanuel Macron, devenu président en 2017, positionné sur ce créneau du centre-droit, a depuis vampirisé une partie de LR, qui a vu partir ses principales figures orientées au centre (Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Alain Juppé) sans se régénérer par une approche plus radicale et conservatrice, illustrée par l’échec de la présidence de Laurent Wauquiez, qui a quitté son poste en 2019 pour retourner à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Muselier trop LREM, Morano trop «droitière»

Paradoxalement, Laurent Wauquiez pourrait bien être la meilleure vitrine de LR le 27 juin prochain. Avec 36% d’intentions de vote, selon l’Ifop le 21 mai, il devance largement ses rivaux – Andrea Kotarac (RN) est à 20% – et devrait être réélu pour un second mandat. Même situation pour Christelle Morançais qui devrait rempiler dans les Pays de la Loire, mais il s’agit d’une figure locale, sans ambition au niveau national. Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France et Valérie Pécresse en Ile-de-France sont tous deux dans des positions favorables pour être réélus et intègrent des LR dans leur liste, mais ne font plus partie du mouvement.

Restent Renaud Muselier et Jean Rottner, les deux autres actuels présidents de région de la droite, qui synthétisent les crispations au sein de la famille désunie de Les Républicains. Il n’y a qu’à recenser les soutiens et les tacles qu’ils ont reçu pour évaluer le grand écart qui tiraille les adducteurs idéologiques du parti, écartelé entre ses différents leaders. Ainsi, pour le député LR Eric Ciotti, l’affaire est tranchée : Renaud Muselier est un «des candidats de la majorité présidentielle pour les régionales», a-t-il dit le 16 mai dans Le Figaro. «Cette stratégie d’alliance avec LREM accentue la disparition de la droite au profit de Marine Le Pen», a affirmé dans Marianne le député Julien Aubert. Après un bureau politique houleux, Christian Jacob a malgré tout confirmé le soutien du parti au président sortant en PACA. A l’unanimité moins deux voix, mais pas les moindres : celles d’Eric Ciotti donc, et de Bruno Retailleau, chef des sénateurs LR.

Du côté du Grand-Est, Jean Rottner, qui n’a pas retenu Nadine Morano au prétexte qu’elle serait trop «droitière», risque de poser le même problème au parti que Renaud Muselier. Distancé dans les sondages de premier tour par le RN Laurent Jacobelli, il sera sans doute dans l’obligation de s’allier avec la candidate LREM Brigitte Klinkert s’il veut voir son mandat renouvelé à l’issue du second tour. Au passage, Brigitte Klinkert, actuelle ministre déléguée chargée de l’Insertion, était auparavant membre de… LR.

Voilà pour la fuite des cerveaux LR vers le centre. Mais le parti est aussi débordé sur sa droite. Il y avait déjà eu l’épisode Thierry Mariani, qui représentera le RN face à Renaud Muselier, après avoir été membre fondateur de l’UMP et de LR, et ministre de Nicolas Sarkozy. Snobée par la liste LR dans sa région, Nadine Morano a répondu dans Le Parisien que celle du RN «n’incarne pas le fascisme et n’est pas d’extrême droite». En Occitanie, Jean-Paul Garraud, le candidat du parti de Marine Le Pen et lui-même ancien de l’UMP, a recruté début mai sur sa liste un délégué LR de l’Hérault.

Certains cadres de la droite traditionnelle ont bien tenté d’aller jouer sur le terrain du RN pour enrayer l’exode des plus radicaux. «Ce qui nous différencie globalement du Rassemblement national, c’est notre capacité à gouverner», a expliqué Eric Ciotti le 30 avril dans Valeurs actuelles. Et Guillaume Peltier, le vice-président du parti, a assuré le 30 mai «porter les mêmes convictions» que le maire de Béziers Robert Ménard, proche du RN. Mais tous deux ont créé une polémique par leurs propos, Guillaume Peltier se faisant notamment reprendre par Christian Jacob, l’ancien ministre Michel Barnier et le président LR du Sénat Gérard Larcher. Ce dernier a également critiqué l’alliance passée en Bourgogne-Franche-Comté par le candidat républicain Gilles Platret avec Debout la France, le mouvement de Nicolas Dupond-Aignan qui avait soutenu Marine Le Pen au second tour de la présidentielle 2017. Preuve de l’incapacité du parti à fixer une ligne cohérente, quand d’autres LR pactisent avec la majorité présidentielle.

Rejoignez News-Front sur Facebook, GAB, Vkontakte, et Telegram pour découvrir le choix de l’équipe