Nommé pour préparer le prochain sommet Afrique-France, Achille Mbembe a exprimé dans Le Monde son souhait de voir une nouvelle forme de relations entre les deux parties. Il dénonce la «politique mémorielle» qu’a entreprise Emmanuel Macron, notamment au Rwanda.
«Aujourd’hui, la Françafrique est objectivement périmée», constate dimanche 13 juin dans Le Monde le politologue et philosophe camerounais Achille Mbembe. Désigné par Emmanuel Macron pour préparer le prochain sommet Afrique-France, prévu en octobre à Montpellier, il prône un changement de modèle des relations entre Paris et le continent.
«Les relations entre l’Afrique et la France arrivent aujourd’hui à la fin d’un cycle», estime-t-il, comparant ce besoin de changement à la fin du colonialisme entamé à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Il souhaite voir remplacer la Françafrique «onéreuse, inefficace et encombrante du point de vue moral» par quelque chose de nouveau, puisque dans l’état actuel, «elle est devenue un facteur d’affaiblissement de la France elle-même».
Selon lui, il s’agit d’un des défis auxquels est confronté Emmanuel Macron, à qui il reproche d’utiliser «la politique mémorielle» «comme un instrument du soft power», préférant une «nouvelle éthique de la mémoire».
Macron au Rwanda
Après avoir multiplié les gestes envers l’Algérie sur le passé colonial et la guerre qui a déchiré les deux pays, Emmanuel Macron s’est rendu au Rwanda le 27 mai dernier en vue de normaliser les relations avec son homologue Paul Kagame. Dans son discours au Mémorial du génocide à Kigali, il a reconnu «un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda» de la France qui était restée «aux côtés d’un régime génocidaire».
Des mots salués par le Président rwandais, à la suite desquels le retour d’un ambassadeur français à Kigali a été annoncé, le poste étant déserté depuis 2015. «De tous les Présidents français, Emmanuel Macron est celui qui est allé le plus loin dans la reconnaissance des responsabilités de la France dans le génocide des Tutsis», commente Achille Mbembe. «Notons également que la politique des excuses et du pardon a aussi ses limites», tempère-t-il.
Sommet Afrique-France
L’intellectuel camerounais avait déjà critiqué l’«absence d’imagination historique» de la politique africaine de Macron, qu’il accusait d’ignorer la «vertigineuse perte d’influence» de la France sur le continent, rappelle l’AFP. Il a pourtant accepté le défi que lui a lancé le Président de la République de préparer le sommet Afrique-France.
«Le Président Macron m’a demandé de l’accompagner dans l’objectif qu’il s’est fixé de refonder les rapports entre l’Afrique et la France. Pourquoi dire non?», a-t-il justifié.
Ce prochain sommet, reporté à deux reprises en raison de la situation sanitaire, aura une tournure particulière, aucun chef d’État n’y sera présent. À la place y figureront des représentants de la société civile: de l’enseignement supérieur, de la recherche, de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Une nouvelle façon de penser les relations franco-africaines, sans intervention de la politique.