Le ministre de l’Intérieur a été entendu par la commission des lois du Sénat ce 23 juin après les dysfonctionnement constatés notamment au sujet de la distribution des plis de propagande électorale lors des élections régionales et départementales.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a été entendu ce 23 juin par la commission des lois du Sénat afin de s’expliquer sur les dysfonctionnements constatés dans la distribution de la propagande électorale lors du premier tour des élections départementales et régionales.
Listes «mal tenues» et concomitance de deux élections –
Le ministre a fait savoir que la distribution de la propagande électorale avait été rendue «complexe» pour trois raisons. «Première raison qui est extérieure : les plis non distribués qui relèvent des listes électorales pouvant parfois être mal tenues, notamment dans les coins les plus urbains», a-t-il déclaré, comparant par exemple les départements de Seine-Saint-Denis et de Lozère, affichant une non-distribution des plis s’élevant respectivement à 13% et 3%.
Deuxième raison selon Gérald Darmanin : la concomitance des élections régionales et départementales. «Depuis 1986, la France n’avait pas organisé sur son sol deux élections en même temps sur tout le territoire national», a assuré le ministre.
A ce sujet, il a plus tard été interpellé par le sénateur les républicains de la Manche, Philippe Bas. «Contrairement à ce que vous avez dit, en 2008, il y a eu un scrutin cantonal et un scrutin municipal en même temps [et il n’y a eu] aucune difficulté du type de celles que nous rencontrons cette année», a rétorqué le parlementaire. «Vous dites une bêtise», lui a répondu Gérald Darmanin : «2008 a été une année de scrutin municipal, et pour la moitié de la France de scrutin cantonal», a-t-il justifié.
L’ouverture à la concurrence du domaine postal en cause
«Troisièmement, il y a eu un régime de libéralisation de la distribution de la propagande», a encore déclaré Gérald Darmanin, évoquant l’adoption de directives sous le gouvernement Jospin, qui ont permis d’acter «l’ouverture à la concurrence du domaine postal [dont relève] la propagande électorale». «Dans la distribution des documents, nous avons constaté de sérieux manquements [de la part] de la société Adrexo», a révélé le ministre de l’Intérieur, qui a ajouté que la Poste n’était «pas dépourvue de toute critique».
«Pour la société Adrexo, nous avons constaté des documents qui avaient été entreposés par terre, parfois mis dans des poubelles [ou encore] brûlés», a expliqué Gérald Darmanin. «Peut-être que ce marché était finalement trop gros pour eux», a-t-il entre autres ajouté.
Lors des multiples questions adressées au ministre, la sénatrice communiste de la Loire, Cécile Cukierman, a d’ailleurs déploré cette libéralisation du marché. «La société Adrexo, avec ses 17 300 temps partiels de distributeurs, n’a pas pour spécialisation une distribution avec adressage spécifique», a-t-elle notamment fait remarquer. «La distribution du courrier est maintenant une activité de marché qui restera en situation de concurrence. Sachant que cette opération ne présente que très peu d’intérêt économique pour les acteurs privés, que peut-on mettre de plus dans le cahier des charges pour rendre sanctionnables les manquements [constatés] ?», a de son côté interrogé le sénateur centriste ex-LREM du Val-d’Oise Alain Richard.
Concernant la mise en place d’une concurrence sur le marché postal, Gérald Darmanin a pour sa part préféré pointer du doigt «la situation monopolistique de la Poste» qui, selon lui, avait justifié la libéralisation du domaine. Il a notamment déclaré : «La Poste faisait des prix qui, sans doute, n’étaient pas très conformes, me semble-t-il, au service que la puissance publique, tous gouvernements confondus, a demandé.» Le ministre a toutefois concédé un problème important chez l’entreprise Adrexo : «Il y a trop de sous-traitance.» «Je ne voudrais pas plus que ça charger la société Adrexo», a encore poursuivi le ministre, soulignant par exemple que l’entreprise avait alerté le gouvernement, fin avril, d’une attaque informatique la visant.
Vers une «dématérialisation de la propagande» ?
Cependant, toujours sur le même sujet, Gérald Darmanin a affirmé que son ministère serait «heureux» de revoir la prise en charge publique de la distribution de la propagande électorale. «Acceptons alors de considérer que la propagande électorale ne doit pas être soumis à la concurrence, ça permettrait de remuscler les préfectures», a-t-il déclaré. Le ministre a en outre affirmé avoir convoqué les deux sociétés postales – La Poste et Adrexo – pour leur demander «des propositions d’améliorations» et les enjoindre à mettre en place «des moyens alternatifs de distribution de la propagande [en cas de non-accès] à certains immeubles».
«Depuis longtemps mes prédécesseurs ont proposé la dématérialisation d’une partie de la propagande, au moins pour ceux qui ne souhaitent pas la recevoir en papier [mais] le législateur et le pouvoir exécutif l’ont toujours refusé», a déploré Gérald Darmanin. «Je ne pense pas que la modalité de vote soit la seule responsabilité de l’abstention», a-t-il en outre ajouté, estimant que le phénomène était «plus politique et plus profond que la modalité».
«De nombreux électeurs n’ont pas été rendus destinataires des professions de foi des candidats ; des bureaux de vote n’ont pu accueillir pendant toute la durée d’ouverture du scrutin les électeurs désireux d’accomplir leur devoir civique», avait de son côté constaté la commission dans un communiqué publié en amont de l’audience de Gérald Darmanin.