Un laboratoire de haute sécurité P3 sera construit en 2023 en Andorre par le groupe pharmaceutique espagnol Grifols. Un projet loin de ravir la population.
Le petit État Andorran est plutôt connu pour ses pistes de ski, son alcool, ses cigarettes et son essence détaxée. À cela, il faudra bientôt ajouter le laboratoire P3 dont le projet de construction en 2023 mené entre le groupe pharmaceutique Grifols et le gouvernement Andorran est loin de faire l’unanimité. En effet, ce dernier a annoncé lors d’une conférence de presse début juin que son emplacement serait à Ordino, non loin de la frontière française et qu’il le financerait à hauteur de 20%.
Pourquoi le choix d’Andorre?
Pour le groupe Grifols basé à Barcelone, le choix d’Andorre n’est pas anodin puisque la fiscalité sur les entreprises est la plus basse d’Europe devant l’Irlande, Chypre et le Liechtenstein. En effet, les impôts sur les sociétés sont de l’ordre de 10% mais peuvent descendre jusqu’à 2% selon l’activité et le type d’entreprise. Il faut ajouter à cela la TVA qui est de 4,5% loin devant la Suisse et ses 8%. Avec le gouvernement Andorran qui sera actionnaire à 20% de la future joint-venture avec Grifols, il paraît évident que les avantages fiscaux seront au rendez-vous.
Pour le gouvernement Andorran, la venue de ce laboratoire permettra de diversifier son économie.
En effet il sera l’un des rares en Europe dédié à l’immunologie et sera une référence au niveau international dans la recherche de traitements contre les troubles du système immunitaire. Le gouvernement de la petite principauté souhaite mettre fin à travers ce projet à sa dépendance au tourisme et au commerce transfrontalier.
Pourquoi ce projet déclenche-t-il la polémique?
Il convient tout d’abord de s’interroger sur le choix d’implantation de ce laboratoire. En effet, l’emplacement se trouvera dans une réserve naturelle classée à l’UNESCO. La classification P3 suscite également la peur de la population locale, en particulier en période de pandémie avec les théories liées à la fuite du coronavirus du laboratoire P4 de Wuhan.
Le 24 juin devant les caméras de la RTVA, la chaîne d’état andorrane, l’opposition au conseil municipal d’Ordino a émis des doutes sur l’implantation de ce laboratoire à Ordino. Enric Dolsa a indiqué qu’il n’était pas contre le projet au début mais était maintenant perplexe face à son opacité puisqu’il n’y avait aucun plan d’affaires prévu soumis par Grifols, ce qu’a reconnu le gouvernement Andorran. Dolsa ajoute que les 25 millions d’euros d’investissements promis seront payés par des dettes auprès des banques et que le gouvernement devra apporter chaque année un financement de 200.000 euros en plus du terrain où sera construit ce laboratoire.
Cette inquiétude est naturellement partagée par les habitants et les élus d’Andorre qui n’ont pas été informés de ce projet. Il faut dire que la classification P3 du laboratoire implique des risques sur la santé des travailleurs du site mais aussi, un risque potentiel de fuites.
Les écologistes et élus du gouvernement avec en chef de file la députée Carine Montaner ont demandé un référendum sur l’installation de ce site, idée balayée par Xavier Espot, chef du gouvernement.
Carine Montaner s’est questionnée auprès de l’AFP sur le choix d’Andorre compte tenu du fait que la principauté ne dispose pas encore de loi sur la bioéthique. Elle s’insurge contre le fait que le gouvernement ait décidé d’adopter cette loi sur la bioéthique après l’accord signé avec Grifols.
En quoi la France pourrait être concernée par cela?
Ce projet est suivi de près par les habitants des zones frontalières avec Andorre. En effet, il faudra bien passer par la France pour acheminer les agents pathogènes, virus et bactéries nécessaires aux recherches. Au micro de France Bleu Roussillon, Joamé, habitant d’Ordino, s’inquiète de l’impréparation de la principauté face aux risques de fuites compte tenu du manque de personnel formé. Il ajoute que le site sera situé à proximité d’une rivière et que les inondations sont monnaie courante à Andorre. Toujours selon lui, une fuite pourrait mettre en danger toute la région: la population, la faune et la flore, et ce, jusqu’en France et en Espagne.