Le Sénat adopte un projet de loi renforçant les mesures antiterroristes et le renseignement

Après l’Assemblée nationale, le Sénat – à majorité de droite – a adopté en première lecture un projet de loi renforçant les mesures «antiterroristes» et le renseignement. Ce texte pérennise des mesures inspirées de l’état d’urgence.

Dans la nuit du 29 au 30 juin, le Sénat dominé par l’opposition de droite a adopté en première lecture, après l’Assemblée nationale, un projet de loi renforçant les mesures «antiterroristes» et le renseignement, présenté comme «indispensable» par le gouvernement. Le texte, dont les sénateurs ont modifié plusieurs articles, pérennise des mesures inspirées de l’état d’urgence. Il a été voté par 251 voix contre 27 et 66 abstentions. Députés et sénateurs vont désormais tenter de s’accorder sur un texte commun. En cas d’échec, une nouvelle lecture sera organisée dans les deux chambres, l’Assemblée ayant le dernier mot.

Faire entrer les mesures expérimentales de la loi «sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme» dans le droit commun

Annoncé dans la foulée de l’attentat contre une fonctionnaire de police à Rambouillet (Yvelines) en avril, ce nouveau projet de loi dans l’arsenal antiterroriste était programmé de longue date.

Il vise notamment à faire entrer définitivement dans le droit commun quatre mesures emblématiques mais expérimentales de la loi «sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme» (Silt) de 2017. Le volet renseignement a pour objectif de tirer les conséquences des évolutions technologiques et juridiques de ces cinq dernières années.

S’il satisfait globalement la majorité sénatoriale de droite, le texte s’est heurté à une forte opposition à gauche. Les groupes CRCE à majorité communiste et écologiste ont ainsi défendu sans succès deux motions de rejet en bloc. Esther Benbassa (écologiste) a fustigé des dispositions «liberticides», Eliane Assassi (communiste) une «surenchère sécuritaire». Le PS, qui souhaitait que les mesures Silt «restent provisoires», a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel.

La ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa a de son côté défendu un projet de loi équilibré, «indispensable» à ceux qui luttent contre la menace terroriste.

Une «mesure judiciaire de surveillance des individus» condamnés pour terrorisme

Périmètres de sécurité, fermeture de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) et visites domiciliaires : ces quatre dispositions de police administrative avaient pris la suite de mesures constitutives de l’état d’urgence mises en œuvre pendant deux années qui ont suivi les attentats de Paris et Saint-Denis, le 13 novembre 2015.

Sans surprise, le Sénat a approuvé leur pérennisation. Le rapporteur du Sénat Marc-Philippe Daubresse (LR) a toutefois regretté une perte de temps. La chambre haute l’avait en effet déjà votée en octobre dernier, mais le gouvernement avait alors souhaité s’en tenir à une prolongation d’une année.

Les sénateurs ont refusé l’allongement à deux ans de la durée des Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) pour les personnes condamnées pour terrorisme sortant de prison, arguant d’un risque constitutionnel. Le rapporteur a proposé à la place «une mesure d’ensemble», qui permet aussi de muscler un autre article du texte, créant une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.

Les sénateurs l’ont remplacée, contre l’avis du gouvernement, par «une mesure judiciaire à visée non pas seulement de réadaptation sociale, mais également de surveillance de l’individu». Elle reprend une proposition de loi du président de la commission des Lois, François-Noël Buffet (LR). En juillet dernier, le Parlement avait adopté une loi «instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine», mais elle avait été retoquée par le Conseil constitutionnel.

Un système d’analyse des données de navigation sur internet pérennisé

Concernant le volet renseignement, le Sénat a voté la pérennisation de la technique dite de l’algorithme qui permet d’analyser des données de navigation sur internet fournies par les opérateurs télécoms. Mais pour son extension aux URL de connexion, il a préféré se limiter à une expérimentation. Les services disposeront d’un régime particulier de conservation des renseignements pour améliorer les outils d’intelligence artificielle.

Le projet propose en outre de libéraliser l’accès à certaines archives à des fins d’études et de recherches, mais introduit en contrepartie pour les documents les plus sensibles des exceptions au délai de 50 ans prévu pour la déclassification. Relayant les inquiétudes d’historiens, des sénateurs de différents bords sont montés au créneau contre cet article, à l’instar de la centriste Catherine Morin-Desailly qui a dénoncé «un recul historique dans le principe de libre communicabilité des archives». Longuement défendu par la ministre de la Défense Florence Parly, le dispositif a été validé par le Sénat dans une ambiance électrique.

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