La perquisition qui a débuté vers 9h place Vendôme s’est terminée vers minuit, selon une source proche du dossier. Elle était menée par une vingtaine de gendarmes de la section de recherche de Paris, avec des magistrats de la CJR.
Ils auront passé quinze heures place Vendôme: la perquisition menée au ministère de la justice par les magistrats de la Cour de justice de la République (CJR), dans le cadre de l’enquête visant Éric Dupond-Moretti sur de possibles conflits d’intérêts entre son action de garde des Sceaux et ses anciennes fonctions d’avocat, s’est achevée très tard dans la soirée du 1er juillet.
Éric Dupond-Moretti, qui est resté jusqu’à la fin, a assisté à la perquisition de son bureau.
Son avocat Me Christophe Ingrain a pris la parole devant la presse vers 19H30 pour expliquer que les opérations prenaient notamment du temps car les enquêteurs avaient souhaité ouvrir de vieux coffres sous la bibliothèque du bureau du garde des Sceaux, dont personne n’avait la clef.
«Il a fallu des interventions avec des perceuses et meuleuses pour découvrir qu’il n’y avait rien à l’intérieur» a ajouté le conseil du ministre, qui a regretté «un déploiement de forces totalement disproportionné».
L’enquête pour «prise illégale d’intérêts» a été ouverte en janvier à la CJR, seule juridiction habilitée à juger des ministres, et fait suite à des plaintes déposées par trois syndicats de magistrats et l’association Anticor.
Cette perquisition est «un mystère» car «dès l’annonce de l’ouverture de l’instruction, le garde des Sceaux nous a demandé de transmettre à la CJR la totalité des documents détenus par le ministère de la Justice au sujet des faits dont la CJR est saisie» a déclaré Me Ingrain.
«Le garde des Sceaux est serein: les faits dont est saisie la CJR sont une procédure initiée par son prédécesseur, Mme (Nicole) Belloubet, et le ministre a suivi les avis des magistrats qui composent ses services en saisissant l’inspection générale de la Justice» a-t-il ajouté.
Selon le Canard enchaîné, M. Dupond-Moretti devrait être prochainement convoqué par les magistrats de la CJR et risque une mise en examen.
Le Premier ministre Jean Castex a lui déjà été entendu le 7 juin dans cette affaire, en tant que témoin.
Au cœur des accusations figure l’enquête administrative ordonnée par Éric Dupond-Moretti en septembre contre trois magistrats du parquet national financier (PNF).
Tous les trois avaient participé à une enquête préliminaire visant à identifier la taupe qui aurait informé l’ex-président Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute dans une affaire de corruption. MM. Sarkozy et Herzog ont depuis été condamnés dans ce dossier à trois ans de prison, dont un ferme, et ont fait appel.
Le PNF avait été mis en cause pour avoir épluché les relevés téléphoniques détaillés («fadettes») de ténors du barreau, dont Eric Dupond-Moretti, un ami de Thierry Herzog.
Dupond-Moretti avait alors dénoncé des «méthodes de barbouzes» et déposé une plainte pour «atteinte à la vie privée», avant de la retirer le soir de sa nomination, en juillet, comme garde des Sceaux.
Les syndicats lui reprochent aussi d’avoir ouvert une autre enquête administrative à l’encontre du magistrat Edouard Levrault, aujourd’hui en poste à Nice.
Avant de devenir ministre, M. Dupond-Moretti avait été l’avocat d’un haut policier monégasque mis en examen par ce magistrat, alors détaché à Monaco, dont il avait critiqué les méthodes de «cow-boy». Ce juge s’était exprimé à la télévision sur cette affaire après son départ forcé de son poste.
Monaco s’en était aussi plaint auprès de la Chancellerie et le juge avait été convoqué par sa hiérarchie – avant la nomination de M. Dupond-Moretti – mais avait refusé de répondre aux questions. Une fois place Vendôme, Eric Dupond-Moretti avait saisi l’Inspection générale de la Justice.
Le garde des Sceaux a été officiellement écarté de ces enquêtes et de toutes les affaires en lien avec ses anciennes activités d’avocat, en vertu d’un décret de «déport» vers Jean Castex.
Les perquisitions au ministère de la Justice sont très rares.
Ce fut le cas en 2007, dans le cadre de l’enquête sur la mort du juge Borrel en 1995 à Djibouti, ou en 2001, dans dossier de favoritisme concernant la construction du nouveau tribunal à Fort-de-France.