L’Ofpra avait déjà décidé de suspendre le Bénin de cette liste, sans pour autant l’en retirer. Pour le Sénégal et le Ghana, ce sont les «dispositions législatives pénalisant les relations homosexuelles» qui ont motivé la décision du Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat a retiré le 2 juillet trois pays africains – le Sénégal, le Bénin et le Ghana – de la liste française des pays d’immigration dits «sûrs», dans une décision motivée principalement par la protection des personnes LGBT, et qui offre à leurs ressortissants l’espoir d’une procédure d’asile plus clémente en France.
La liste controversée de 16 pays établie par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) fait l’objet d’une bataille judiciaire qui a démarré fin 2019, après l’entrée en vigueur de la loi asile-immigration qui expose les ressortissants de ces pays à une procédure d’expulsion dès le rejet de leur demande d’asile en première instance, avant même un éventuel recours. Plusieurs associations s’étaient alors tournées vers la plus haute juridiction administrative, après que l’Ofpra a décidé le 5 novembre 2019 de ne pas modifier cette liste, inchangée depuis 2015.
«La délibération du 5 novembre 2019 du conseil d’administration de l’Ofpra est annulée» et «les Républiques du Bénin, du Sénégal et du Ghana» doivent être retirées de cette liste, a tranché le Conseil d’Etat dans sa décision rendue le 2 juillet. Les ressortissants de ces trois pays ne pourront donc plus faire l’objet de procédures accélérées pour leurs demandes d’asile, autre conséquence du placement d’un pays sur la liste. Concernant le Bénin, l’Ofpra avait déjà décidé en septembre 2020 de suspendre sa qualité de «pays d’origine sûr» pour douze mois, sans pour autant le retirer de cette liste. Pour le Sénégal et le Ghana, ce sont les risques liés à «l’orientation sexuelle» de leurs ressortissants qui ont motivé la décision.
«Compte tenu de l’existence de dispositions législatives pénalisant les relations homosexuelles au Sénégal et au Ghana et de la persistance de comportements, encouragés, favorisés ou simplement tolérés par les autorités de ces pays, conduisant à ce que des personnes puissent effectivement craindre d’y être exposées à [des] risques, l’Ofpra ne pouvait, sans commettre d’erreur d’appréciation, tenir ces Etats pour des pays d’origine sûrs dans l’examen des demandes présentées par leurs ressortissants», peut-on lire dans le texte.
Effet rétroactif de la décision sur les demandes en cours
«C’est une victoire en demi-teinte», a réagi Aude Le Moullec-Rieu, présidente de l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour. «On se réjouit que le Conseil d’Etat ait respecté l’esprit de la loi en ayant retiré de cette liste les pays qui pénalisent l’homosexualité. Néanmoins, il fait une interprétation limitée de cette problématique, puisque les personnes LGBT subissent des persécutions intrafamiliales, sociétales, qui ne sont pas seulement de l’ordre du légal», juge la responsable associative, estimant que la «totalité de la liste aurait dû être abrogée».
Forum réfugiés-Cosi, autre association partie au dossier, «se félicite» également d’une décision «qui améliore les garanties procédurales et les conditions d’accueil pour les ressortissants de ces pays», représentant moins de 2 000 demandeurs d’asile en France en 2020, dont 1 600 pour le seul Sénégal. D’autant que ce retrait de la liste est rétroactif, «ce qui signifie que les demandeurs d’asile originaires de ces pays doivent voir leur demande reclassée en procédure normale» et non plus accélérée, estime Forum réfugiés-Cosi.
Autre conséquence : «Les décisions d’éloignement prises à leur encontre alors qu’ils sont encore en phase de recours devant la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) ne sont par ailleurs plus fondées, tout comme le retrait des conditions matérielles d’accueil [notamment financières], qui doivent donc être rétablies», se réjouit l’association.
De son côté, l’organe chargé d’attribuer le statut de réfugié «prend acte» d’une décision qui «n’a aucune incidence sur l’exigence d’un examen individuel par l’Ofpra des demandes d’asile émanant des ressortissants de ces pays et sur la possibilité pour ces ressortissants de bénéficier du statut de réfugié quand cet examen fait apparaître un besoin de protection». «A cet égard», poursuit l’Ofpra, les demandes fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre «font l’objet d’une attention particulière» de la part d’agents «spécifiquement formés à ces problématiques relevant de l’intime».