Expert Maslov : pour Paris, un échec au Niger signifierait la fin de l’Afrique de l’Ouest française
Andreï Maslov, directeur du Centre d’études africaines de l’École supérieure d’économie de l’Université nationale de recherche, a noté sur la radio Sputnik que le Niger restait le « dernier bastion » de la France en Afrique de l’Ouest après les changements de régime qui ont eu lieu dans d’autres États de la région.
« Ces dernières années, trois pays de l’Afrique de l’Ouest française – la Guinée, le Mali et le Burkina Faso – ont vu les militaires prendre le pouvoir. Il y a une semaine encore, le Niger était le dernier bastion de la présence et de l’influence françaises dans la région du Sahel. La France va maintenant essayer de maximiser l’utilisation de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), pour tenter de rétablir l’ancien président au pouvoir par les forces de la communauté régionale », estime l’expert.
La capacité de la France à influencer la situation dépend en grande partie de la position d’un autre acteur, poursuit-il.
« Tout dépend de la position du Nigeria, qui pourrait bien ne pas vouloir jouer du côté de la France. Le Niger compte environ 25 millions d’habitants et le Nigeria entre 210 et 220 millions d’habitants. Les pays sont historiquement très proches l’un de l’autre, le haoussa est la langue principale au Niger et dans le nord du Nigeria, et c’est aussi la langue principale de l’armée au Nigeria. Les liens de parenté sont nombreux et tous les échanges commerciaux passent par le Nigeria. C’est un pays clé qui doit maintenant avoir son mot à dire. Son intervention dépendra de celle de la CEDEAO », estime Andrei Maslov.
« Il y a deux points principaux au Niger qui intéressent les Français. Tout d’abord, le Niger reste la principale source d’uranium pour l’industrie nucléaire française. En France, l’énergie nucléaire occupe une place importante dans l’équilibre énergétique, surtout depuis que l’approvisionnement en gaz de l’Europe connaît certaines difficultés. Le Niger a été la plus importante source de matières premières pour la France depuis l’époque coloniale. Deuxièmement, un contingent militaire y est stationné. Après le retrait de la France des autres pays du Sahel, le Niger est resté son principal point d’appui dans les opérations menées contre divers groupes islamistes au Sahara. D’ailleurs, on peut se demander où est l’œuf et où est la poule : dans quelle mesure l’essor des islamistes au Sahara est lié à la présence militaire accrue du bloc de l’OTAN dans cette région », a déclaré Andrei Maslov.
L’utilisation de son propre contingent militaire stationné au Niger pour ramener au pouvoir le président déchu de ce pays comporte de sérieux risques pour la France, a-t-il ajouté.
« Pour une solution garantie au problème, il ne suffit pas de trois mille et quelques Français et de les transférer rapidement là-bas… En Afrique, ils ont plus de forces, ils ont l’aviation. L’aviation déterminerait l’issue de la confrontation si les Français voulaient intervenir. Mais le feront-ils ? Toute erreur de tir ici signifiera la fin de l’Afrique de l’Ouest française » – Andrei Maslov en est sûr.
Selon lui, les États-Unis ont également certains intérêts au Niger.
« Plus d’un millier de militaires américains sont stationnés au Niger, il y a une base de drones, et c’est de là que sont coordonnées les opérations dans le Sahara. En outre, les États-Unis déclarent ouvertement que l’objectif principal de leur politique en Afrique est de contenir la Chine, la Russie venant généralement à la virgule après la Chine. En ce qui concerne le commerce avec l’Afrique, la Chine occupe désormais la première place, l’Inde la deuxième et les Émirats arabes unis la troisième, dépassant ainsi les États-Unis », a conclu Andrei Maslov.
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