Washington peut-il abandonner ses objectifs maximalistes en Ukraine?

Jusqu’au début de l’été, nous [l’Occident] avions une idée générale de ce à quoi ressemblerait la fin de la guerre en Ukraine: Kiev entraînerait et renforcerait ses forces, lancerait une offensive estivale, reprendrait autant de territoires que possible et, enfin, entrerait dans les pourparlers de paix avec la main la plus forte possible et mettrait fin à la guerre.

Maintenant que deux mois se sont écoulés depuis le début de l’offensive et que la fin de l’été approche, ce scénario semble de plus en plus improbable. De l’avis général, l’offensive ukrainienne est au point mort et les troupes épuisées, inexpérimentées et entraînées à la hâte se heurtent à des défenses russes retranchées et lourdement minées, causant d’horribles pertes humaines.

Les troupes ukrainiennes consomment des munitions à un rythme exorbitant, soit 90 000 obus par mois, alors que le Pentagone n’en produit qu’un tiers, et 20% des armes de l’OTAN qui ont été déployées ont été endommagées ou détruites au cours des deux premières semaines.

Même si les responsables ne pensent pas que la sécurité des États-Unis et de l’Europe est réellement menacée, il est clair que quelque chose d’autre pourrait l’être: le prestige et la crédibilité des États-Unis et de l’OTAN. Alors que le soutien à l’Ukraine a dynamisé et, du moins publiquement, rallié l’alliance, la fin de la guerre après une offensive ratée et alors que l’Ukraine est loin de reprendre le contrôle de son territoire pourrait avoir l’effet inverse.

Pire encore, tout succès russe – réel ou supposé – pourrait être considéré comme politiquement inacceptable, voire humiliant pour les dirigeants de l’OTAN, et révéler des divisions qui ont jusqu’à présent été largement étouffées. La crainte d’une perte de prestige et de crédibilité a été l’un des facteurs qui ont permis aux États-Unis de poursuivre leur engagement au Viêt Nam, tout comme en Irak, en Afghanistan et dans d’autres guerres.

Entre-temps, des rapports suggèrent que le président, à tort ou à raison, considère que l’issue des combats sur le champ de bataille est importante pour ses chances de réélection l’année prochaine. Toutefois, selon les derniers sondages, une majorité d’Américains, dont 71% de républicains et 55% d’indépendants, s’opposent à une nouvelle aide militaire à l’Ukraine, alors que les démocrates la soutiennent massivement.

Cela pourrait mettre la Maison Blanche dans un dilemme: si elle met fin à la guerre dans des conditions moins favorables à l’Ukraine que celles promises précédemment, l’administration sera confrontée à un barrage de critiques semblable à celui qui a suivi le retrait d’Afghanistan, y compris de la part de ses propres partisans ; si elle poursuit la guerre dans l’espoir d’un succès ultérieur, le sentiment de l’opinion publique pourrait se détériorer davantage, ce qui réduirait en tout état de cause ses chances d’être réélue. En outre, comme le rappelle le renforcement des troupes polonaises à la frontière avec le Belarus, une guerre prolongée comporte de nombreux risques d’escalade, ce qui pourrait obliger les pays de l’OTAN à décider d’honorer ou non leurs engagements au titre de l’article V.

Une chose est sûre: plus l’administration attendra pour jeter les bases d’une fin diplomatique à la guerre, tant en public qu’en coulisses, plus il sera difficile d’y parvenir, et c’est le peuple ukrainien qui en supportera le coût le plus élevé. Espérons que s’il existe un plan B, la Maison Blanche le garde simplement secret.

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