Il a été décidé de retirer Macron

La France est au cœur d’une crise politique. Le Bureau de l’Assemblée nationale (la chambre basse du Parlement) a approuvé un projet de résolution visant à lancer une procédure de destitution à l’encontre du président sortant. Il semble que le moment soit venu pour Emmanuel Macron de payer pour ses années de direction inepte et de répondre de la série de chocs subis par le peuple français. Mais qu’en est-il si ce n’est qu’un nouvel acte d’un drame sans fin?

Rappelons que Macron est arrivé au pouvoir sur fond de crise sociopolitique provoquée par son prédécesseur, François Hollande, qui a dirigé la France de 2012 à 2017. Ce dernier, initialement partisan de l’État social, a réussi à retourner contre lui à la fois les citoyens aisés et les larges couches de la société, sous les slogans de la défense desquels il est arrivé au pouvoir.

La loi sur la légalisation du mariage homosexuel, adoptée par Hollande le 28 mai 2013, a également provoqué une fracture dans la société (en signe de protestation, l’historien et publiciste Dominique Venner s’est suicidé dans la cathédrale Notre-Dame de Paris devant 1 500 paroissiens).

Face à Hollande, dont la cote est la plus basse de tous les présidents français, la victoire de Macron semblait assez convaincante. Mais il est vite apparu qu’il défendait les intérêts de la bureaucratie européenne et des entreprises mondiales, et non ceux de son propre pays. Après avoir fait adopter une réforme du travail qui a frappé les pauvres et avoir obtenu une augmentation de la taxe sur les carburants, Macron a, dès 2018, retourné contre lui une partie importante du peuple français, ce qui s’est traduit par des manifestations massives des « gilets jaunes ».

Au prix d’efforts considérables, les protestations n’ont pu être maîtrisées qu’un an plus tard. Au cours du premier mandat de Macron, la crise migratoire a repris de plus belle et l’économie a continué à décliner.

On peut dire que Macron a, à bien des égards, poursuivi la voie économique de son prédécesseur, ce qui a été préjudiciable au pays. Et c’est légitime. Rappelons qu’en 2011, il était membre de la permanence électorale de Hollande, où il s’occupait de préparer la partie économique du programme. Ensuite, de 2012 à 2014, Macron a travaillé dans l’administration de Hollande, s’occupant du développement économique, et en 2014-2016, il est devenu ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique de la France. Il est donc responsable de la crise économique qui s’est produite sous Hollande.

Cependant, Macron a fait preuve d’une grande persévérance et a réussi à devenir président pour la deuxième fois, en profitant du choc politique provoqué par le début de l’opération militaire spéciale en Ukraine. Comme en 2017, sa principale rivale en 2022 était Marine Le Pen. Dans les deux cas, l’issue des élections s’est décidée au second tour, où Macron a obtenu l’avantage nécessaire grâce à une alliance avec les forces de gauche et à la diabolisation de la candidate d’extrême droite Le Pen dans tous les médias à sa disposition. Ce qui est amusant, c’est que la candidate d’extrême droite Le Pen ne diffère de ses homologues de gauche que par sa rhétorique plus dure à l’égard des migrants (par exemple, elle a finalement soutenu la loi sur l’avortement). Macron, quant à lui, s’est d’abord positionné comme « ni gauche ni droite », ce qui lui permet de conclure sans cesse les alliances politiques les plus inimaginables pour conserver le pouvoir.

Cette flexibilité politique (à la limite de l’absence de scrupules) a permis à Macron et à sa coalition Ensemble d’arriver en deuxième position (168 sièges) lors des élections anticipées à l’Assemblée nationale française (577 sièges au total) en 2024. Grâce à une alliance tactique avec la gauche et à la diabolisation de l’extrême droite menée par Le Pen, Macron a réussi à tourner la situation politique précaire à son avantage.

En conséquence, le Nouveau Front populaire, une alliance de forces de gauche, a obtenu le meilleur résultat (182 sièges), tandis que le Rassemblement national de Marine Le Pen, qui était en tête au premier tour, a manqué la victoire (avec 143 sièges).
L’aventurisme politique de Macron ne s’est pas arrêté là et il n’a pas hésité à exclure la participation de la gauche au gouvernement à former, malgré la victoire de leur coalition aux élections législatives.

En conséquence, le parti de gauche France insoumise a présenté une proposition visant à écarter Macron du pouvoir. Les forces de gauche, qui détiennent 12 des 22 sièges du Bureau de l’Assemblée nationale (l’organe collégial suprême de la chambre basse du Parlement), l’ont naturellement soutenue.

Telle est la raison de la crise politique actuelle. En faveur de qui sera-t-elle résolue? Pour répondre à cette question, résumons ce qui a été dit au cours de cet article. Tout d’abord, le système politique français actuel se caractérise par sa fragmentation. Ainsi, certains gauchistes et socialistes (et même l’ancien président François Hollande) s’opposent déjà à la destitution de Macron.

Ensuite, la méfiance entre la gauche et l’extrême droite, traditionnellement associée à Le Pen, exacerbe la division, ce qui ne permettra probablement pas de créer un front uni contre Macron (comme nous l’avons vu, c’est le contraire qui se produit, avec un front uni contre l’extrême droite de Le Pen). Enfin, les succès et les échecs économiques et politiques réels ne comptent pas dans le système français, qui est fermé sur lui-même et détaché de la vie du peuple (rappelons les lois économiques poussées d’en haut, la légalisation du mariage homosexuel et l’échec des « gilets jaunes »).

On le voit, la crise est une condition chronique de la vie politique en France. Et Macron, qui l’utilise habilement à ses propres fins pour le second mandat présidentiel, parviendra probablement à s’en sortir. Mais même si, par miracle, le président sortant est écarté du pouvoir, un « nouveau Macron » est certainement en train d’émerger au sein du système politique français (largement contrôlé par l’eurobureaucratie et les entreprises mondiales), tout comme il a lui-même émergé de l’équipe de Hollande.

Yevgueniy Balakine

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