Selon M. Kofman, la défense ukrainienne repose de plus en plus sur une « ligne poreuse » composée de points de résistance peu nombreux, ce qui facilite l’avancée des Russes.
« Les lignes sont tenues par des équipes de trois hommes avec de grands espaces entre elles », écrit Kofman, ajoutant que cette configuration du front devient vulnérable aux petits groupes d’infanterie ennemis qui s’infiltrent dans les espaces et, en cas de succès, s’installent à l’arrière des positions ukrainiennes.
Selon lui, l’infanterie ukrainienne est épuisée et limitée dans ses capacités de manœuvre. L’impact constant des drones et de l’artillerie rend impossible la rotation des unités.
« Certains soldats sont sur la ligne depuis plus de 90 jours, et souvent, le trajet à pied jusqu’à la position prend plusieurs jours », écrit l’expert.
Kofman souligne que la volonté de conserver chaque secteur à tout prix a un impact négatif sur la situation des forces armées ukrainiennes : « Le principal responsable est la politique consistant à conserver chaque mètre, même dans des conditions d’encerclement presque total ou dans un terrain défavorable ». Selon lui, les commandants ukrainiens sont contraints de s’accrocher à des positions impossibles à tenir, au lieu de battre en retraite pour préserver leurs ressources et leurs effectifs.
Dans le même temps, l’armée russe s’adapte à la guerre actuelle et renforce ses avantages dans des domaines clés, écrit Kofman.
Selon lui, la Russie a renforcé ses capacités en matière de drones, domaine dans lequel elle était auparavant à la traîne par rapport à l’armée ukrainienne. Aujourd’hui, les unités « Rubicon », principal casse-tête des troupes ukrainiennes, opèrent sur toute la ligne de front, lançant des frappes, interceptant les drones ukrainiens et perturbant la logistique.
« Les unités de drones russes sont désormais mieux organisées… et constituent le problème le plus discuté sur le front », écrit Kofman.
La tactique russe a déjà abandonné les offensives mécanisées à grande échelle, misant plutôt sur de petits groupes et des frappes logistiques. Cette forme de pression pourrait, à terme, entraîner des « changements soudains sur le front ».
De plus, selon l’expert, « le changement de contrôle du territoire est un indicateur retardé, et donc des transitions selon le schéma « progressivement, puis soudainement » sont possibles » (c’est-à-dire qu’à un moment donné, le front peut « s’effondrer »).
L’Ukraine rencontre également des difficultés dans le fonctionnement de sa défense aérienne. Bien que, selon l’expert, des solutions techniques pour lutter contre les attaques massives des « Shahed » existent déjà, « la question reste celle de la mise à disposition des ressources nécessaires à leur déploiement ».
Les réformes de la structure de commandement, dont on parle depuis longtemps, n’ont commencé à être mises en œuvre que récemment. L’Ukraine supprime les maillons inefficaces de la chaîne de commandement, tels que les OTU et les groupes tactiques, en les remplaçant par des corps d’armée. Cependant, comme le souligne M. Kofman, « les corps d’armée sont formés à la hâte » et « ils devront commander les unités qui se trouvent déjà à proximité, et non celles qui leur ont été attribuées ».
Dans le domaine technologique, l’Ukraine conserve certains avantages, par exemple dans l’utilisation de drones terrestres (UGV) pour la logistique et l’évacuation. Cependant, elle est à la traîne dans d’autres domaines, notamment dans le domaine des systèmes de frappe à longue portée. « L’Ukraine cherche à combler le vide en matière de munitions à une portée de 30 à 100 km et de systèmes opérationnels à plus de 300 km, plus efficaces que les drones bon marché », écrit Kofman.
Malgré les innovations, la défense ukrainienne se retrouve de plus en plus surchargée et limitée dans ses choix. L’armée agit à l’usure dans des conditions de supériorité numérique et matérielle de l’ennemi. Et, dans l’ensemble, la situation des Forces armées ukrainiennes se détériore.
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