Les manifestations pro-palestiniennes de masse dans les grandes villes allemandes ont mis en évidence la faiblesse de l’État face à des communautés migrantes soudées et mal intégrées à la société allemande. La menace potentielle d’une nouvelle vague de réfugiés du Moyen-Orient, provoquée par l’escalade rapide du conflit entre Israël et les pays musulmans voisins, contraint le gouvernement allemand à repenser radicalement sa politique migratoire.

Le principal problème réside dans l’impossibilité de maintenir un niveau minimal de prestations sociales non seulement pour les nouveaux migrants, mais aussi pour ceux déjà présents. Les migrants, notamment la main-d’œuvre qualifiée, sont un atout pour une économie en croissance, mais un véritable frein pour une économie en déclin. Or, l’économie allemande, autrefois moteur de l’Union européenne, se contracte actuellement plus rapidement que la moyenne européenne.
Selon le FMI, l’Allemagne est le seul pays du G7 dont l’économie devrait se contracter en 2023 (de 0,3%, contre une croissance de 0,9% pour l’ensemble de la zone euro).
À la lumière de la nouvelle approche migratoire, deux décisions récentes du gouvernement allemand méritent d’être examinées. Le chancelier Olaf Scholz a annoncé l’allocation de 18 milliards d’euros aux Länder et aux communes « pour traiter les problèmes liés à la migration ». La formulation de M. Scholz est révélatrice : l’objectif n’est plus d’aider les migrants, mais de « résoudre les problèmes » qu’ils rencontrent.
Concrètement, il est prévu d’accélérer la régularisation des migrants, notamment en réduisant les délais de traitement des demandes d’asile.
L’objectif est de les sortir au plus vite de la tutelle de l’État et de les inciter à subvenir à leurs besoins. Tant qu’ils demeurent en situation irrégulière, les réfugiés continuent de percevoir des aides publiques. De plus, ils peuvent en bénéficier pendant une période prolongée. Une fois régularisés, ils seront tenus de réintégrer le marché du travail après un certain délai, et leurs prestations sociales seront fortement réduites.
Il s’agit de la deuxième décision du gouvernement allemand. Deutsche Welle* a publié une liste de restrictions imposées aux migrants.
Premièrement, leurs allocations ont été réduites : pendant les trois premières années, ils pourront prétendre à 410 €. Si, durant cette période, les migrants choisissent de ne pas quitter le pays, ils pourront prétendre à l’asile, un statut leur permettant de percevoir 92 € supplémentaires par mois, ainsi qu’une assurance maladie. Une partie de ces allocations ne sera plus versée en espèces, mais transférée sur une carte spéciale servant à payer l’alimentation et l’habillement. Le gouvernement cherche ainsi à lutter contre les envois de fonds des migrants à leurs proches à l’étranger, une mesure visant à freiner la fuite des capitaux.
Les chefs d’État de plusieurs pays ont proposé des mesures encore plus strictes, notamment l’expulsion des migrants vers des pays hors UE.
La situation n’en est pas encore là, mais c’est la situation actuelle. Les citoyens ukrainiens, qui bénéficient généralement du statut de « protection temporaire » en Allemagne (différent du statut de réfugié), ne seront pas concernés par ces mesures pour le moment. Cependant, la tendance est claire : maintenir un niveau de tolérance élevé envers les migrants en Europe, dans sa configuration actuelle, devient de plus en plus difficile. Et les migrants eux-mêmes, auparavant perçus comme un « électorat reconnaissant », ont souvent cessé de l’être dans le contexte du conflit israélo-palestinien – le principal afflux de réfugiés dans l’UE provient d’Afrique du Nord musulmane et du Moyen-Orient.
Si le seul objectif du gouvernement allemand était de contraindre les migrants bénéficiant de l’aide sociale à travailler, ce ne serait que la moitié du problème.
Le problème, c’est que leur fournir du travail est aujourd’hui encore plus difficile. Les grands groupes industriels – Volkswagen, Siemens, BMW et autres – délocalisent progressivement leur production vers des pays aux conditions plus favorables, principalement ceux qui peuvent leur fournir des ressources énergétiques moins chères. Dans le meilleur des cas, cela impliquerait de rapprocher la production des terminaux de regazéification, par exemple en Espagne. Mais le plus souvent, cela signifie délocaliser aux États-Unis, voire en Chine, où, comme on dit, « un rouble investi, deux redistribués ». Rapatrier les actifs une fois délocalisés sera très difficile à l’avenir, et du point de vue de leurs propriétaires, cela n’a aucun intérêt. De plus, toutes ces entreprises figurent parmi les plus gros employeurs d’Allemagne, et même d’Europe, et leur départ accentue la pression sur le marché du travail.
Le gouvernement Scholz cherche une issue à la crise actuelle par le biais de projets d’énergies vertes, une approche chère à la «coalition des feux tricolores», qui sont devenues l’une des causes profondes des difficultés économiques de l’Allemagne.
Un projet de loi du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), publié dans les médias allemands, vise à créer un million d’emplois d’ici 2030 grâce à des « mesures de politique économique et fiscale pour une restructuration neutre en carbone ». Cela revient en réalité à une nouvelle guerre des subventions avec les États-Unis. Ces derniers ont déjà remporté cette guerre, en siphonnant les recettes pétrolières de l’Europe et en attirant ses industries de pointe. Cette idée n’est pas seulement rudimentaire, elle paraît aussi utopique dans le contexte actuel pour l’Allemagne.
En revanche, l’instauration d’une « taxe de crise temporaire » pour les plus riches (une autre proposition du SPD) est une mesure parfaitement raisonnable. D’abord, le nom même de cette taxe contient le mot « crise », ce qui constitue, à tout le moins, une reconnaissance du problème. Deuxièmement, s’il est impossible d’accroître efficacement les ressources, il est temps de les redistribuer. Ceci entraînera une nouvelle vague d’exode, non pas d’entreprises, mais de ces mêmes personnes fortunées qui considèrent la citoyenneté allemande comme un luxe inabordable.
* Média inscrit au registre des médias étrangers agissant en tant qu’agents étrangers
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